Lucia

Blabla et chute mystérieuse 

Nous n’aurons pas l’outrecuidance de chercher des noises à Bernard Minier, contrôleur des douanes devenu subitement l’un des auteurs le plus lus en France. Son personnage Martin Servaz, flic intello, cultivé, fan de Malher et un brin misanthrope, est plus célèbre que son papa auteur. Du polar sombre qui hante les esprits des lecteurs. Rien à redire ou quasi, c’est à peine si ses dernières aventures déraillaient un peu dans une philosophie à deux balles concernant l’état du monde. Minier s’est donc repris en créant une fliquesse espagnole, Lucia Guerrero, du genre coriace qui n’en fait qu’à sa tête. 

Quand elle découvre son équipier crucifié sur un calvaire, collé à la croix, par manque de clous ? – l’histoire ne le dit pas –, elle sait que l’enquête ne sera pas une partie de rigolade. Mais elle obtient une aide des plus efficaces, celle de Salomon Borges, directeur, à l’Université de Salamanque, du programme DIMAS, destiné à simplifier les recherches en criminologie. Borges travaille avec un groupe d’étudiants venus de différentes Alma mater, chacun étant pointu dans son domaine de recherches. Ils ont découvert l’existence d’un tueur en série, qui illustre avec ses victimes, des tableaux de la Renaissance. Des mises en scènes particulièrement sophistiquées et morbides, qui en appellent aux Métamorphoses d’Ovide.

Contrairement à Martin Servas, Lucia n’est pas cultivée. Elle s’enfonce donc, en compagnie de Borges et de son équipe, dans un univers inconnu. Mais elle est tenace et diablement intelligente. Au point que l’assassin finit par craindre qu’elle ne tisse des liens entre les événements jusqu’à le confondre. Ce qu’elle fera, bien entendu, et de manière si brutale que la surprise du lecteur est un grand moment. De ces instants comme on les aime dans les polars. 

Mais… car hélas il y a un mais… Durant des centaines de pages labyrinthiques, le lecteur tente de suivre à la fois l’intrigue et le duo Lucia Salomon. A quelques égarements près, dont les prémices d’une seconde enquête dans le domaine de pédocriminalité qui ne se fait pas, laissant le lecteur sur sa faim, les descriptions de Salamanque valent bien un peu de patience, de même que les rapports difficiles de Lucia avec son ex-mari et sa hiérarchie. D’autant que Salomon est un être raffiné, qui propose à la fliquesse une enquête sous forme de vrai divertissement…

Et les deux chutes tombent : Lucia détricote devant un parterre d’étudiants, politiques, journalistes, l’affaire dont elle a, seule, compris l’essence. Le tueur est dévoilé, à l’ébahissement de tous. Et il s’enfuit.

Quand Lucia l’a rattrapé et interrogé, elle s’offre un moment de bonheur avec son fils dont elle a perdu la garde, et reçoit un téléphone qui ressemble davantage à un cheveu sur la soupe qu’à une ultime fin. 

Si Minier cherchait à gâcher son roman, c’est réussi, bravo. Si sa volonté était d’annoncer le suivant, c’est encore raté. Mais ce Lucia se lit néanmoins d’une traite ou deux.

Bernard Minier : Lucia, Xo-Editions, 2022, 479 p. 

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