Le Troupeau aveugle

Désastre écologique

Paru en 1972, « Le Troupeau aveugle » de John Brunner, est peut-être le plus désespéré des romans dystopiques. Et pourtant, le genre n’est pas avare en récits de couleur sombre. À noter que le livre est conçu par une suite de passages qui vont de quelques mots à plusieurs pages, où la plupart des personnages ne se rencontrent jamais, ce qui lui insuffle une curieuse atmosphère de désolation.

L’auteur, Anglais, manie à la perfection l’art de décrire sous forme de fiction – comme s’il s’agissait de notes factuelles – les innombrables problèmes qui tuent actuellement la planète : pollution à outrance, résistance aux antibiotiques, pluie muée en acide, sols ravagés par les pesticides, Méditerranée transformée en cloaque, autour de laquelle sévissent des guerres atroces. L’eau n’est plus potable nulle part, il est nécessaire de la désinfecter à grands frais, l’empoisonnement de la population à grande échelle est désormais monnaie courante, le gouvernement américain est dirigé par des entreprises qui n’ont rien d’humanistes.

La fracture entre très riches et très pauvres est profonde et sans espoir d’amélioration. Les uns se terrent dans des quartiers fortifiés gardés par des mercenaires armés, les autres agonisent lentement dans une totale indigence – manque de nourriture, de soins, intoxications intentionnelles induites par une société qui n’est même plus capitaliste, mais clairement meurtrière. 

Assez vite, une seule réponse s’avère possible, la lutte terroriste. Elle est revendiquée par un universitaire écologiste, Austin Train. Celui-ci avait averti ses concitoyens des dangers pour la survie humaine d’une planète qui ne parvenait plus à digérer la monstrueuse pollution induite par leurs activités. Mais la société a fait la sourde oreille. Restaient donc les armes.

Et, comme l’auteur se refuse à la moindre note positive –  on est pourtant au début des années 1970 –, le livre se termine par l’incendie de tout l’Est des États-Unis, visible jusqu’en Europe. Les critiques ont reproché à John Brunner de ne pas avoir évoqué dans son récit les dangers du nucléaire. Et pourtant, en comparaison, « 1984 » est un aimable roman pour les enfants de la maternelle !

John Brunner : Le Troupeau aveugle, roman, Livre de Poche, Paris, 544 p.

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