Liquidations à la grecque

Une épée vengeresse

« Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? »

Les quelques mots de Brecht ouvrent le roman de Petros Markaris « Liquidations à la grecque » qui se déroule durant la crise endurée par le pays sous les pressions inhumaines imposées par l’Europe.

L’avantage d’être écrivain est de pouvoir mener une analyse féroce contre les politiques sans même les citer. Markaris s’en donne à cœur joie – si on peut le dire ainsi, alors que le peuple, pris en otage, survit dans des conditions de misère sans précédent. Pour dénoncer les horreurs imposées par les banques et soutenues par le Gotha de Bruxelles, l’auteur « assassine » quelques représentants du système bancaire, non sans un humour macabre et beaucoup de tendresse, qui tiennent le lecteur en haleine sur les 370 pages du roman.

Alors que le commissaire Charitos marie sa fille, il apprend que l’ancien gouverneur de la Banque centrale a été assassiné d’une manière originale, par le fil de l’épée. Il a été décapité.

Suivront trois autres assassinats, menés dans des conditions identiques, le légiste est formel.

Pendant ce temps, deux campagnes d’affichage sauvage exhortent les citoyens à ne plus rembourser ses emprunts. Afin de rassurer les hautes sphères et les Européens très inquiets – un Anglais et un Hollandais font partie des victimes –, différents services de police se renvoient la balle, mais l’idée prédominante va à un acte terroriste. Kostas Charitos ne croit pas à cette version et enquête à sa façon. C’est ici que le lecteur est plongé dans le martyre des Grecs durant cette période douloureuse : salaires amputés, rues prises d’assaut par les citoyens en colère, faillites, médecine au rabais, Charitos mène ses recherches avec deux adjoints, tout en décrivant la vie quotidienne entre le commissariat, l’ego surdimensionné de certains collègues, la famille – le portrait savoureux de sa femme allège l’atmosphère du récit –, les rues bondées, le désespoir des uns et des autres face à une situation qui s’enlise. Façon pitbull qui aurait de l’empathie, il ne lâche rien, persévère dans ses convictions et peu à peu détricote un tissu d’embrouilles géniales qui le conduiront à l’arrestation du cerveau de l’affaire.

Très fort, Markaris : il décrit un meurtrier hautement sympathique. L’ambiguïté interrogera le lecteur. Quelquefois, la vengeance est juste, au-delà des lois édictées par les hommes, qui s’empressent toujours de les contourner.

Petros Markaris, Ed. Cambourakis, Paris, 2022, 376 p. photos

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