Le Côté obscur du cadran

Pollution… et après ?

L’histoire, du genre sordide, se déroule à la rue du Doubs 51 à La Chaux-de-Fonds. L’immeuble, victime de l’affaire, sis à cet endroit, est toujours là, solidement planté sur son terrain miné par la pollution. Curieusement, la charpente de son toit, bouffée par la mérule, ne s’est pas encore effondrée. La maison, fermée depuis le 2 août 2013, et le jardin sont interdits au public, même si, après la tornade de juillet 2023, une fenêtre brisée a permis à des squatters de s’y installer, inconscients des dangers qu’ils couraient. 

Que s’est-il donc déroulé dans ce malheureux bâtiment, dont personne ne veut plus, qui reste un témoin accusateur de l’indolence, voire du je-m’en-foutisme absolu des autorités qui n’ont jamais réagi avec sérieux contre le propriétaire, Aimé Schmidlin ? Celui-ci vendait aux entreprises d’horlogerie des produits toxiques, qu’il devait ensuite recycler, « son entreprise Gravacier était spécialisée en gravage et polissage électrolyte, rodage, fabrication de matériel pour la sérigraphie et décalque », explique dans son livre « Le Côté obscur du cadran », le journaliste chaux-de-fonnier Laurent Duvanel, qui a mené une enquête serrée, manière polar, publiant ainsi un scandale, où apparemment personne n’est inquiété, l’immeuble restant debout, accolé à la maison voisine. 

Aimé Schmidlin vendra son bien à une entreprise valaisanne, leurrée par son bon potentiel d’habitation. Il meurt en juin 2011, cancer, détruit par sa propre incompétence, trois mois avant que le géologue indépendant Serge Grandjean, chargé de dresser un inventaire des produits toxiques, ne découvre le désastre dans les sous-sols et au rez-de-chaussée de l’entreprise, soit dix tonnes de produits hautement dangereux, entre autres : sulfate de fer et de cobalt, chlorure de fer, de zinc et d’ammonium, ferrocyanure de potassium, acide chlorhydrique, cyanure de cadmium, de potassium, de sodium et de cuivre, bisulfite de sodium, etc., entreposés sans aucune protection. Un enfer dont les effluves ont rendu gravement malades plusieurs locataires. Une entreprise, versée dans les déchets hautement toxiques, les évacuera pour les détruire dans un incinérateur spécial de la chimie bâloise.

Doubs 51 reste contaminé, affirme Laurent Duvanel. Une société de Lausanne dressera ensuite un rapport dévastateur de 400 pages : l’immeuble est gravement pollué de pied en cap. De plus, « les retombées de la cheminée externe, sans aucun filtre, sommairement montée par Schmidlin pour évacuer les miasmes de son atelier, ont arrosé des années durant le voisinage ». Bienvenue en Métropole horlogère dans son air pur des montagnes.

Et aujourd’hui ? Qui paiera ? Que deviendra cet immeuble pourri jusqu’à la moelle et son jardin ? Et qu’en est-il des maisons voisines, des sous-sols environnants ? Autant de questions qui restent sans réponse ! 

Laurent Duvanel : Le Côté obscur du cadran, enquête sur un scandale sanitaire, Editions sur le Haut, 2024, 138 p. Illustré (beurkh).

2024

2023

2022

pour le plaisir et bien d’autres choses…

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