Pauvres gosses
Le détestable et fragile héros du dernier roman de Jean-Michel Olivier (JMO) massacre les rats pour le plaisir de l’hécatombe, il crèvera comme eux, sans gloire, sous les balles des flics.
Pas facile d’entrer dans la « Fête des pères », un récit kaléidoscopique, résumé un peu vite en réflexion sur les pères du dimanche, divorcés, séparés, qui ne voient leurs rejetons que le week-end. Certes, le personnage qui mène le récit, Damien Maistre, est l’un de ces papas à temps très partiel. Comédien, doubleur au cinéma, il vit entre la Suisse et Paris, où son enfant – privé de prénom, ce qui rend le roman terriblement glacial –, est élevé par une mère américaine, journaliste, encore plus antipathique que lui, et un beau-père sans envergure. Déboussolé par une situation qui lui déplaît, qu’il s’applique à envenimer, Damien finit par entamer un road movie avec son fils, alors que la mère, très à cheval sur les obligations de son ex, se permet un soir d’être en retard pour accueillir son fils au retour du week-end paternel. Damien pète un câble et entame un voyage en Irlande, sur les traces de Nicolas Bouvier. La belle-famille friquée et l’odieuse ex sortent alors la grosse artillerie pour une chasse à l’homme sans commune mesure avec la faute commise.
« Fête des pères » crée une rupture avec la plupart des ouvrages précédents de JMO. Lui qui montrait plutôt, dans ses écrits, un certain respect pour la femme, décrit cette fois la femelle odieuse, manipulatrice, profiteuse, une vraie sorcière. D’autres pères du dimanche sont décrits, mettant le doigt sur des lois obsolètes.
L’auteur crée un contexte d’existence qui apparaît à la dérive, entre la carrière de Damien en chute libre, quelques amis fidèles, une maîtresse masseuse et pute, la haine de l’homme qui l’a remplacé, l’enfant transbahuté, un double meurtre dans une cave sordide et le vol d’un sac bourré de fric.
Les événements s’enchaînent, formant un kaléidoscope d’idées, de réflexions philosophiques, de solitude, de rage là où s’exprimait la passion. JMO déshabille le comportement de ses personnages avec une cruelle habileté. Marionnettes agitées par les codes d’une société à l’agonie. Un roman assez dur, qui dévoile l’écrivain mature. Et quelques instant de paix durant le road-movie, comme une respiration avant le tomber du rideau. Sanglant et définitif.
Définitif, vraiment ? La reine américaine a gagné une partie, le roi est mort. Mais un jour – que n’y pense-t-elle pas ? – l’enfant exigera des comptes, elle n’y coupera pas.
Reste l’image désespérante de ces gosses à la merci de parents irresponsables, dont l’ego bannit, sinon l’amour, mais au moins le respect de leurs innocents descendants.
Jean-Michel Olivier, Éditions de l’Aire et Serge Safran, 380 p.
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