Faut pas s’y fier
Ne jamais se fier aux 300 premières pages d’un roman ! Telle est la leçon de la lecture du dernier Mankell, publié en suédois quelques mois avant sa mort, qui prend ainsi valeur de testament. Ce récit sombre est chargé d’ultimes illusions – ici le vieil homme ne parvient pas à mettre dans son lit la jeune journaliste dont il rêve, ou plutôt, oui, au hasard de situations météorologiques difficiles, mais en tout bien tout honneur !
Durant plus de 300 pages, le texte n’est qu’un ressassement sur le grand âge, la vie professionnelle ratée à la suite d’une erreur médicale – Fredrick Welin était chirurgien –, la solitude, la lâcheté de l’homme face à ses conquêtes. Infiniment lent, répétitif, obsessionnel, ce roman qui n’est pas un polar mais quand même un peu – on est Mankell ou on ne l’est pas –, finit par user la patience du lecteur, du moins la mienne.
L’histoire commence par un monstrueux incendie, auquel échappe Fredrick Welin. Sa maison est en ruines sur une petite île où il s’est installé, solitaire et mélancolique. S’ensuivent d’interminables descriptions de son existence exiguë, réfugié dans une minuscule caravane non loin des ruines de la maison.
Il ne se passe rien ou si peu de choses. Observation de la Baltique, enquête de la police à propos de l’incendie, notes concernant la communauté de ces îlots perdus. Le récit se déroule comme un long communiqué d’agence de presse : compte-rendu du quotidien dépourvu d’émotionnel. Et c’est vraiment agaçant.
Certes, il y a le voisin, un drôle de type, renfermé, qui aime apporter son aide aux citoyens, la journaliste qui s’ennuie un peu dans son canard local, et, surprise, la fille adulte de Welin, qui surgit, froide, distante, ténébreuse, mystérieuse. Apprendre qu’on est père après plus de 35 ans n’est pas une mince affaire. D’autant que la « gamine » en question est une voleuse professionnelle, enceinte de son grand amour algérien. Elle vit à Paris, mais le toubib mettra beaucoup de temps à le découvrir.
L’affaire se corse avec un deuxième puis un troisième incendie criminel. La population s’inquiète… et c’est Welin qui découvrira le pot aux roses, gardant pour lui l’identité du pyromane, bien qu’il ait perdu sa maison. Mais s’il a tâté de l’infinie solitude, sa fille, sa petite-fille et son beau-fils lui insuffleront le courage de reconstruire la maison de ses grands-parents. Il a trouvé une famille et envisage ses très vieux jours avec un brin d’espoir.
« Ces bottes suédoises » font suite aux « Bottes italiennes », mais se lit en toute indépendance. Il est nécessaire de s’armer de patience pour lire ce roman. Finalement, ce curieux descriptif journalistique recèle toutes les questions inhérentes à la vie et à la disparition des êtres. Déconseillé aux dépressifs !
Henning Mankell: Les bottes suédoises, Le Seuil, Paris, Coll. Points 4600, 2017, 383 p.
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