Jamais sans mon léopard
Non, ce n’est pas une créature aguichante, indifférente à la condition animale qui parle, mais bien le prototype de l’anti-héros, Charles B. qui s’est allègrement enfoncé au-delà de la « ligne obscure » de la vie en société.
Dans ce premier roman (Yves Robert est un dramaturge confirmé qui a écrit une vingtaine de pièces de théâtre), il explose tous les codes du genre : en vérité, il n’y a plus de héros bon ou mauvais, plus de logique, plus de réel fil conducteur. Mais un récit éparpillé qui prend racine dans le cerveau détraqué de Charles B., lequel a perdu le sommeil. Afin de rompre les amarres d’une existence vouée à un naufrage annoncé, il bat violemment sa femme, afin qu’elle rejette jusqu’à son souvenir, et s’en va à la dérive. Un pied devant l’autre, pensées de plus en plus chaotiques, actes absurdes, barbarie, rencontres inopinées, comme celle de cette femme qui va prendre soin de lui, le laver, le soigner, le laisser s’installer près d’elle avant qu’il reprenne son interminable chemin de croix. Certes, sa présence lors d’un accouchement clandestin réveille en lui des images, des questions, les magies de la nature inscrites dans le temps. Mais raviver une illusion de bonheur qu’il n’a sans doute jamais su apprécier, jusqu’à la découverte de l’étrange maladie, n’est plus d’actualité. Et toujours le marcheur poursuit sa descente aux enfers de son monde privé de sommeil. Crasseux, abject, il finit par tuer, d’abord un castor, qu’il mange, puis une adolescente en rupture de ban. Le bien, le mal… Il a oublié. Il rampe dans une dimension que nul ne peut même plus concevoir. Par moments, il se mue en fauve, ce léopard qui semble l’accompagner, métaphore du prédateur qu’il est devenu. Il revêt peu à peu l’habit de son propre mythe, pour mieux cerner de lointaines réminiscences auxquelles sont associées les ténèbres de toute civilisation. La Grèce antique ou Fukushima, Magda Goebbels, le Raskolnikof de Dostoïevski, Histoire et littérature s’entremêlent, suites de lignes obscures que peu d’écrivains ont exploré avec le détachement, la finesse de trait et la poésie qui imprègnent la plume d’Yves Robert. Chaque page offre au lecteur des réflexions et provoque des questions sur la vie, la mort, les autres, soi-même face à soi.
Une lecture difficile qui exige de se dépouiller de toute attente en matière de roman. Une lecture qui laisse des traces : l’homo sapiens est-il fondamentalement nuisible ?
Yves Robert : La Ligne obscure, roman, Ed. D’autre part, Genève, Coll. Lieu et temps, 2014, 163 p.
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