Mythologie grecque revue à l’irlandaise
La mythologie grecque a inspiré des centaines de récits, romans, BD, théâtre. L’Irlandais Colm Tóibín s’y est collé lui aussi, trouvant son bonheur – nous devrions parler de malheur absolu – dans l’abominable famille d’Agamemnon. L’histoire commence avec le sacrifice d’Iphigénie, donc bien après que son père a tué le premier mari de Clytemnestre, Tantale, et leur enfant – toutes les versions n’évoquent pas cet épisode sanglant, mais la mythologie n’en est plus à un ou deux meurtres près.
Dans le roman de Tóibín, Agamemnon s’apprête à partir à la guerre. Pour obtenir des dieux que les vents soient favorables à sa flotte, il égorge sa fille Iphigénie. Clytemnestre jure de la venger. Ce qu’elle fait dès le retour du héros qu’elle poignarde dans son bain. Elle tue également Cassandre, la maîtresse d’Agamemnon. Pour des raisons obscures, elle éloigne son fils Oreste qui, après avoir échappé avec son ami Léandre, à l’odieux camp où ils étaient prisonniers et maltraités, va passer plusieurs années auprès d’une vieille femme et de son chien.
Obsédée par la mort de sa fille, autant que par le pouvoir et la vengeance à venir, Clytemnestre réalise un peu tard que son amant la manipule. Elle délaisse sa fille Électre qui passe beaucoup de temps sur la tombe de son père. Électre elle aussi songe à la vengeance. Elle attend le retour d’Oreste pour le convaincre de tuer leur mère.
Pour une raison inconnue, l’auteur a gommé du décor la troisième fille du couple, Chysothémis. Il y a beaucoup de sang, de haine, de violence, de secrets dans le roman de Tóibín. Un récit qui se déroule par chapitres, où chacun des intervenants raconte une partie du drame. Clytemnestre entame le livre, elle cherche à protéger Iphigénie, laquelle supplie son père de l’épargner. On apprendra plus tard qu’Oreste, personnage soumis, falot, mais néanmoins assassin, a assisté au sacrifice de sa sœur.
Oreste prend la parole après Clytemnestre, puis Électre apparaît, tandis qu’elle fomente l’homicide de sa mère. Le personnage d’Oreste réapparaît, écarté de toute décision au Palais. Même Léandre ne lui prête qu’une attention distraite, sans que jamais la moindre explication ne soit fournie. Après sa mort, Clytememnestre a encore droit à un chapitre où elle s’exprime de manière évaporée, appelant son fils. Celui-vi achève le livre, acceptant un mariage arrangé par Léandre.
Le lecteur retrouvera dans « La Maison des rumeurs » à la fois la force des personnages féminins chers à Tóibín, de même que cette espèce de mystère qui habite les protagonistes et les situations imaginés par l’écrivain irlandais. Son écriture, distante de tout sentiment, convient bien au sujet, même si par moments, l’émotionnel totalement effacé laisse planer des questions sans réponse et la frustration du lecteur. Celui-ci n’oublie pas l’extraordinaire « Bad Blood », publié en français en 1998, qui décrit une balade de l’auteur le long de la frontière d’un pays déchiré par la fureur. Si « La Maison des rumeurs » ne dégage pas l’intensité de « Bad Blod », elle n’en demeure pas moins une réinterprétation subtile de la mythologie grecque.
Colm Tóibín est romancier, nouvelliste, essayiste, dramaturge, journaliste, critique et poète irlandais. Homosexuel revendiqué, il a notamment consacré une biographie très personnelle à Thomas Mann.
Colm Tóibín : « La Maison des rumeurs », roman, Ed. Laffont, Paris, Coll. 10/18 no 5608, 288 p. 2018
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pour le plaisir et bien d’autres choses…
ll n’y a jamais de commentaires, les Suisses ne lisent dont pas ?
Si mais on a pas besoin de se la raconter!
se raconter quoi ??????