L’Homme inquiet

La dernière enquête de Wallander

Le ténébreux Commissaire Kurt Wallander, vous connaissez ? Peut-être même mieux que son papa de plume, l’écrivain suédois Henning Mankell, né à Stockholm en 1948, mort d’un cancer en 2015 à Göteborg. Écrivain de romans, théâtre, livres pour enfants, c’est avec son Commissaire Wallander qu’il est devenu célèbre dans le monde entier. Élevé par son père après le divorce de ses parents alors qu’il a un an, il se forme à travers les voyages. Parti en stop à l’âge de 16 ans, il vit d’abord à Paris, où il travaille dans un atelier de réparation de clarinettes et de saxophones. Il rejoint ensuite la marine marchande, partage son temps entre Paris et la Norvège. Puis ce sera l’Afrique, il posera son sac au Mozambique, où il créera une compagnie de théâtre, dont il sera le directeur artistique et le mécène. Écrivain de pièces radiophoniques et de théâtre, il publie également pour les enfants et la jeunesse, sans oublier divers romans. En 1991, il entame un peu par hasard la série des onze enquêtes de Wallander, un flic atypique, désabusé et plutôt solitaire. Ses lecteurs étant curieux du personnage, il écrit plus tard cinq nouvelles dont les actions précèdent la série.

Mankell est resté fidèle au Mozambique et à sa compagnie de théâtre. Sensible aux petites gens, il milite pour les droits de l’homme et participe en 2010 à une expédition restée tristement célèbre grâce à son témoignage. Le bateau qu’il a rejoint est affrété par des groupes activistes en faveur de Gaza. Le sanglant abordage israélien dont  il est victime provoque une dizaine de morts de diverses nationalités. L’écrivain tire de cette expérience un récit impressionnant parce que factuel face à l’horreur du massacre dont lui-même réchappe. Il est publié le 5 juin 2010 dans plusieurs grands journaux, dont Libération, The Guardian (Angleterre), El País (Espagne), Dagbladet (Suède), La Repubblica (Italie) ou The Toronto Star (Canada). 

Mankell était le mari d’Eva Bergman, chorégraphe et fille du cinéaste. 

L’ultime enquête de Wallander, « L’homme inquiet » est une perle littéraire et pas seulement un polar : fatigué, de plus en plus égaré dans un monde qu’il ne comprend plus depuis longtemps, Wallander aspire à rester dans sa maison de campagne avec son chien Jussy. Sa fille Linda, flic comme lui, est enceinte et met au monde une petite fille, Klara. Son compagnon travaille au Danemark dans une banque, où il effectue des placements pour la clientèle. Quand Linda lui apprend que son beau-père, Hakan von Enke, a disparu, Wallander est assez secoué, car il venait de passer une soirée anniversaire avec le disparu, ancien militaire haut gradé, ex-commandant de sous-marin. Il se sent donc obligé d’enquêter, apportant son aide à l’équipe chargée de retrouver le vieux militaire. Cette curieuse affaire, qui semble ne mener nulle part, a au moins l’avantage de révéler le comportement des huiles suédoises durant la dernière guerre et l’après-guerre. Une histoire d’espionnage se dessine, qui semble accuser Louise, l’épouse effacée de von Enke, d’autant qu’elle est retrouvée assassinée avec des documents compromettants dans son sac. Est-ce donc si simple ? Un soir, Linda reconnaît von Enke à Copenhague. Dès lors, Wallander envisage l’affaire sous des angles différents qui lui permettent de retrouver von Enke et de secouer le scénario qui accuse Louise. 

Obsédé par la vieillesse, il s’accroche à des souvenirs qui ne font qu’éveiller des nostalgies, comme l’arrivée impromptue de la femme qu’il a le plus aimée, qui refusa toujours le mariage. Sujet à des pertes de mémoire inquiétantes, il mène malgré tout son enquête, résout l’affaire où demeurent néanmoins plusieurs points d’interrogation. Kurt Wallander est désormais heureux des moments qu’il passe avec sa petite-fille et Jussy. Le lecteur découvrira le destin que l’auteur a réservé à son célébrissime personnage, si populaire, que le commissariat d’Ystad, où travaille cet antihéros par excellence, est devenu une attraction touristique. Certains vacanciers entrent et demandent à rencontrer Wallander. Sherlock n’a pas fait mieux !

Un roman qui dégage une grande mélancolie. Les questions qu’il pose indirectement au lecteur sont de celles qui touchent au sens de la vie.  

Henning Mankell : L’homme inquiet, Coll. Points 2741, Ed. du Seuil, Paris, 2012, 599 p.

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