Mémoire d’une forêt

Pas si simple

Non, apparemment, il n’est pas si facile de claquer la porte au nez du consumérisme à outrance. Faisant partie de la nouvelle jeune génération des écrivains romands, l’Imérien Antoine Rubin – il vit à Bienne –, explore le sujet à travers un roman singulier, Mémoire d’une forêt : Elias et Manu, deux amis en rupture de famille, ont quitté le silence et la dureté du Jura Sud pour poser leur baluchon dans un squat à Bienne, pour eux, la grande aventure. En plus des habitants du squat, ils croisent Kahru, un excentrique bien plus âgé qu’eux, qui vit dans la forêt, oublié de la civilisation. Une curieuse relation s’installe entre les jeunes libertaires et le mystérieux clandestin, qui rêve d’accompagner les squatteurs en Norvège. Le voyage se prépare, à plusieurs, mais au dernier instant, Kahru, victime d’un accident, reste dans sa forêt. 

Elias est amoureux, mais sa copine d’occasion lui préfère Manu. Alors qu’ils sont en plein voyage, Elias rentre à Bienne, les autres poursuivent leur chemin. Leur retour manque d’enthousiasme. Quant à Elias et Manu, ils sont désormais frères ennemis. Elias, lui, est inquiet pour Kahru qui semble avoir disparu…

Antoine Rubin a une formation d’anthropologue. Il écrit, voyage, a fondé le projet Veau Biche Ours, qui allie spoken word et musique. Après un premier livre aux Éditions du Noyau en 2013, Le Chant des containers, il a publié chez Torticolis et Frères Wanderlust en 2015. Mémoire d’une forêt est un récit particulièrement attachant : une histoire apparemment banale de jeunes gens qui se cherchent et découvrent un véritable dissident. Les réflexions de l’auteur ne sont pas sans rappeler les soixante-huitards et autres babas partis vivre à la campagne, rêvant d’autonomie, loin de la société de consommation, un rêve qui a fait long feu, comme on le sait. 

Il est assez surprenant de découvrir un très jeune auteur en butte aux mêmes problématiques un demi-siècle plus tard, avec la passion du voyage, les amours sans lendemain, les trahisons et la vie communautaire. Antoine Rubin écrit à fleur de plume, simplement, de manière émouvante. Il entraîne le lecteur comme par magie dans ces existences chahutées qui cherchent le bonheur. Un roman bien plus empreint de philosophie qu’il y paraît.

Antoine Rubin : Mémoire d’une forêt, Ed. Torticolis et Frères, La Chaux-de-Fonds, 2020, 300 p.

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