Le MLF du Jura, un processus d’émancipation

Une militante témoigne

Guite Theurillat est un personnage incontournable de l’histoire jurassienne. Elle a 21 ans en 1968, quand régnait encore l’espoir de jours meilleurs. Elle va s’engager pour la cause des femmes dans une région qui a besoin de secouer les mentalités. Un chef de l’administration cantonale ne parlait-il pas, avec beaucoup d’élégance, du « cheptel dactylographique » en évoquant les femmes secrétaires ?

Elle a été bibliothécaire et formatrice d’adultes. En 1978, elle est secrétaire de l’Assemblée constituante, puis entre au Bureau de la condition féminine du nouveau canton, et poursuivra sa carrière, entre autres, dans les Syndicats chrétiens, avant de fonder une école à Delémont, spécialisée dans les cours de français, allemand et mathématiques. Elle est aussi déléguée à l’égalité de l’Université de Lausanne et organise une expérience pilote d’éducation sexuelle dans les écoles jurassiennes. Plus tard, elle s’engagera pour la défense des retraités. Elle a été membre du POP du Conseil de ville de Delémont durant sept ans. Et membre fondatrice du Groupe femmes, créé pour la libération des femmes dans le Jura.

C’est en tant que militante du MLF qu’elle a plongé dans les archives du Groupe femmes, actif durant les années 1970, qui devait mener à une conscientisation des problèmes du sexe prétendu faible. Son livre, « Le MLF du Jura », s’inscrit dans une époque qui réservait une place de choix aux revendications féminines dans les domaines de la vie privée, du travail, de la politique, des arts, etc. Rappelons que les Suissesses n’ont obtenu le droit de vote au plan fédéral qu’en 1971.

Guite Theurillat évoque sa vie personnelle, l’époque de la liberté sexuelle, la difficulté d’être mère, les expériences communautaires, englobant d’autres luttes : guerre du Vietnam, soutien au peuple chilien et aux Mères de la Place de mai en Argentine, lutte contre le nucléaire (qui a aujourd’hui le vent en poupe auprès de plusieurs  gouvernements), sortir les femmes du rôle que leur a attitré le machisme, maternité, ménage et si possible par-dessus le marché un boulot pour boucler les fins de mois. Le combat est vaste : il va de revendications salariales à la création de crèches – les femmes qui travaillent sont souvent critiquées –, en passant par la difficile question de l’avortement et de la contraception; (en Suisse, l’avortement est officiellement autorisé dans le délai des trois mois depuis…2002 !) Quand on sait le rôle nocif des églises qui refusent aux femmes le droit de disposer de leur corps, et les horreurs infligées par la clique des curés aux mineurs dans le domaine de la sexualité, on se demande comment les croyants maintiennent leur confiance. Évidemment, toutes ces questions sont d’ordre politique.

L’auteure relève que le Groupe femmes lui a permis de nouer de belles amitiés. S’il était non-mixte, « c’est qu’il s’agissait d’abord de pouvoir s’exprimer sans que les hommes monopolisent la parole comme ils le font généralement des les groupes mixtes »… Cinquante ans plus tard, mesdames, ya encore du boulot dans ce domaine !

Le MLF Jura a laissé des traces et des souvenirs parmi bon nombre de femmes de l’époque. Guite Theurillat leur donne la parole également. 

Il est assez fascinant de lire cet ouvrage qui rappelle les innombrables combats menés par les femmes du Jura. Mais surtout, ce livre rappelle que l’égalité hommes-femmes dans notre pays est loin d’être gagnée : ni égalité de traitement, ni salaire égal, et doubles journées de travail pour les femmes sont toujours au programme. Je me demande même si la question de l’égalité des femmes n’est pas en train de régresser à toute vitesse ! 

Un ouvrage à faire lire à nos petits-enfants pour qu’ils continuent le combat !

Guite Theurillat: Le MLF du Jura, Ed. Alphil, Neuchâtel 2023, 186 p ill.

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