De la main d’une femme

Drôle de couple

Elle avait 24 ans, il en avait 50. Leur fulgurante rencontre à Paris le 13 juillet 1793 allait sceller leur destin et l’inscrire dans les pages de la grande histoire.

Elle, fille d’un noble ruiné à Caen, descendante de Pierre Corneille – son destin vaudra bien celui des personnages de son illustre ancêtre. Elle adhère aux idées de la Révolution, mais déteste la violence. Lui, né dans la Principauté de Neuchâtel, médecin, physicien, écrivain, journaliste et homme politique, défend les opprimés avec un acharnement qui ne laisse aucune place à la pitié.

Louis XVI est mené à la guillotine en janvier 1793. Dans sa province, Marie Anne Charlotte de Corday d’Armont – qui deviendra bientôt Charlotte Corday – est profondément révoltée par cette mort, qu’elle estime pure barbarie. Rapidement, se forme en elle le projet de supprimer celui qu’elle estime responsable des massacres qui font couler le sang à Paris. Elevée dans un couvent où elle a reçu une fine éducation, elle connaît l’oeuvre des philosophes et des poètes, et aspire à la liberté, à la paix pour chacun. Dans ce but, il faut détruire la racine du mal, pense-t-elle. Il y a quelque chose de Jeanne d’Arc dans cette jeune femme déterminée. Début juillet, elle se rend à Paris, loue une chambre d’hôtel et prépare son coup. Le 13 du même mois, elle s’achemine vers le domicile du journaliste. Il est malade, une maladie de la peau qui l’oblige à prendre des bains de soufre.

Charlotte Corday prétexte des informations importantes à lui soumettre – le nom de Girondins que le journaliste veut faire exécuter – pour l’approcher. La compagne de Marat la renvoie, elle revient plus tard. Dans son bain, l’ami du peuple exige qu’on la laisse entrer. Il est surpris par son jeune âge, sa prestance, bien que vêtue comme une provinciale, sa manière de s’exprimer. Alors qu’elle lui livre des noms, qu’il écrit sur une table improvisée au-dessus de la baignoire, elle s’avance vers lui, sort un couteau de son corsage et le poignarde jusqu’à la garde, transperçant le poumon et tranchant une carotide. Elle est arrêtée sur place – elle n’a pas cherché à fuir. Quatre jours plus tard, dix jours avant ses 25 ans, elle est guillotinée. Elle afficha une incroyable dignité jusqu’à l’instant fatal. Le couple, désormais célèbre, est inscrit dans les grands événements de la Révolution.

Contrairement à ce qu’elle imaginait, son sacrifice n’a pas arrêté la Terreur, mais l’a accélérée et a beaucoup nui à la question des femmes en politique.

Plus de deux siècles plus tard, une lointaine cousine, Astrid de Laage, se penche sur la vie et la destinée exceptionnelle de cette téméraire parente. Elle mène des recherches, fouille les archives, retrouve et interroge les descendants de la famille. Elle n’excuse ni l’un ni l’autre, mais décrit avec une grande empathie leurs motivations, leurs doutes, leurs décisions.

Un récit imprégné d’une profonde humanité, qui décrit en détail une époque troublée. Il projette le lecteur dans un décor de haine et de sang, des temps qui, aspirant à la liberté, n’ont créé qu’un enfer, dont la France sortira encore plus royaliste dans l’âme, telle qu’elle se présente aujourd’hui !

Astrid de Laage : De la main d’une femme, récit historique, Grasset ed. 2023

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