Les Années glorieuses, t. 2 : Le Silence et la colère

Après avoir savouré « Le Grand Monde », premier volume de la série « Les Années glorieuses » de Pierre Lemaitre, qui entraîne les lecteurs à travers les Trente glorieuses, voici le volume deux, « Le Silence et la colère ».

Pas si glorieux, ce début des anées 50. Du moins pour la famille Pelletier, qui a perdu un fils, assassiné dans le tome 1.  Les parents, Angèle et Louis sont restés au Liban. Les trois enfants vivent à Paris :  Jean dit Bouboule, roi de tous les ratages et néanmoins talentueux tueur en série et son épouse, la venimeuse Geneviève, plus odieuse que jamais, Hélène, reporter photographe dans le même quotidien que son frère François, très amoureux d’une sourde peu bavarde. Et le chat Joseph, toujours aussi zen. Entre Beyrouth et Paris, la vie suit son cours en 1952. Hélène couvre pour son journal les derniers jours du village de Chevrigny avant qu’il soit englouti par les eaux retenues derrière un monstre de béton. Un sacrifice au nom de la fée électricité. Le roman se déroule entre deux mondes, la modernité se réveille, celle-là même dont nous payons aujourd’hui un prix démesuré, et un univers hors du temps réel, avec ses méfiances, ses vieux réflexes. 

Pierre Lemaitre en profite pour évoquer la situation des femmes qui cherchaient à se débarrasser d’une grossesse non désirée, le regard social, la chasse aux faiseuses d’anges et à ceux qui les libéraient d’une fardeau qu’elles étaient parfois seules à porter. Il décrit avec tendresse un enfant handicapé mental, petit Louis, si confiant, si fragile, et les combats de boxe d’un grand naïf, Lulu. Prêt à se faire massacrer à Beyrouth pour la belle qu’il convoite.

Mensonges, secrets, manipulations, lâcheté, meurtre, tout y est pour ne pas décrocher des 580 pages du récit. C’est que Pierre Lemaitre fait preuve, comme à son habitude, d’un talent particulier pour dresser un fabuleux portait des personnages, fussent-ils aimables, infâmes, parfois singuliers d’humanité, comme ce Destouches, à la fois glacial, cartésien, mais rien n’est si simple dans le domaine de la psychologie. Et à nouveau, Angèle, la reine-mère, trouvera les armes pour faire face à l’irrémédiable, comme elle n’avait pas hésité à venger précédemment la mort de son fils.

L’auteur renoue, à sa manière, avec les  auteurs du XIXème siècle qui ont rédigé des sagas sociales, Zola, Balzac et même Flaubert. Mais chez Lemaitre, le style est empreint d’un humour ravageur. L’ironie parfois s’en mêle, qui permet de se distancer des questions douloureuses soulevées par le récit.

Le troisième tome des mésaventures de la sainte famille Pelletier s’inscrira, semble-t-il, en 1959. Patience !