Fais gaffe à ton cigare
Amis du polar, Leonardo Padura, ça vous dit quelque chose ? Il fait partie de ces écrivains qui ont fait du genre le plus tendance de la littérature un petit chef-d’œuvre à chaque parution.
Ce curieux auteur, passionné de latin qu’il a étudié à la faculté de philologie de La Havane, est journaliste, scénariste et auteur. Nouvelles, romans, polars engagés défiant la censure de l’île, il est un fin observateur de son pays natal, dont il relève les aberrations avec un talent d’écriture digne de Machiavel.
Dans cet opus des aventures du Lieutenant Mario Conde, le lecteur retrouve le flic alcoolique, écrivain en devenir – mais quelle peine –, enragé contre le système, névrosé, dépressif, ami fidèle et grand fan de scènes de baise dans lesquelles il tient le rôle du mâle alpha. Cette fois, il enquête sur le meurtre du fils d’un diplomate. Retrouvé vêtu et maquillé en femme, l’homme ne s’est même pas défendu. Pas d’indices. À peine un mégot de cigare, un Montecristo, les amateurs apprécieront.
Conde déteste les homosexuels et autres travestis, et le voilà embarqué sur les traces d’un célèbre dramaturge rejeté après la révolution cubaine, quand le régime de Batista fut renversé. Vivant dans une maison en ruines, le réprouvé du nouvel ordre cubain a bien connu la victime. Il va peu à peu dévoiler son histoire au Conde, qui finira par le trouver on ne peut plus sympathique et très courageux d’être resté à Cuba, alors que tous ses fans, les comédiens, le monde du théâtre et de la culture l’ont renié.
Une fois encore, Mario Conde peste contre la chaleur accablante, contre lui-même qui ne s’occupe pas bien de son poisson rouge, transvasant force bières et bouteilles de rhum avec son pote Le Flaco Carlos, gravement blessé en Angola, où le gouvernement cubain avait envoyé ses troupes et quelques pauvres types à l’abattoir. L’enquête est difficile, mais grâce au dramaturge qui l’emmène dans une soirée homo, il croise une petite nana qui se révèle être une maîtresse de l’art érotique.
Et c’est un peu par hasard que les neurones encore en alerte du flic croisent des images de cigares qui détiennent la vérité.
Parfois un peu longuet dans ses descriptions, « Électre à La Havane » est un monument sociologique. Il est d’ailleurs curieux que l’État tolère les commentaires de cet auteur, qui révèle crument les lendemains qui depuis longtemps ont déchanté à Cuba, île meurtrie depuis des décennies.
Leonardo Padura : « Électre à La Havane », Ed. Mitailier, Policier Points 1495, 2006, 256 p.
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