
Les flics du Département V
Jussi Adler-Olsen fait partie de ces humains sur le berceau desquels plusieurs fées se sont extasiées, lui offrant mille talents. Ce Danois septuagénaire a étudié médecine, sociologie, cinéma, politique. Et c’est finalement sur la littérature qu’il a jeté tardivement son dévolu. Bien qu’il ait rédigé quelques romans indépendants, il commence à cartonner en 2007 avec la première enquête du Département V, « Miséricorde », que les Français ont découverte et traduite en 2011 seulement.
Succès fracassant, des millions d’exemplaires vendus. Il faut bien avouer que les deux membres du Département V sont particulièrement savoureux. Le chef, Carl Morck, est un flic sur la touche, déplacé dans un placard, et Hafez el-Assad, un Syrien au passé trouble, d’une intelligence rare.
Le roman débute par la scène d’une femme enfermée dans une cage en métal lisse, sans lumière, sans rien qui lui permette de se situer. Les doigts en sang, elle gratte dans ce qu’elle imagine être un interstice qui lui permettrait de se libérer. Peine perdue, elle passera des années dans cet enfer, privée de lit, de soins, sans vêtements renouvelés, avec un peu d’eau dans un seau pour se laver, nourrie une fois par jour avec des mets nauséabonds.
Pendant ce temps-là, Carl Morck se retrouve éjecté au sous-sol du commissariat avec la mission de résoudre des cold cases embarrassants pour la police. On lui flanque un émigré syrien comme assistant, engagé pour trier la paperasse et faire le ménage, Hafez el-Assad. Celui-ci se révèle rapide, précis et ingénieux dans divers domaines. Et bien qu’il n’ait pas le droit de s’intéresser aux affaires dont s’occupe son chef, il donne son avis sur tout – entre deux prières sur son petit tapis –, prouvant que ses observations sont particulièrement pointues. Qui est-il en vérité ?
Le duo improbable va donc rouvrir le dossier d’une politicienne influente et charismatique, Merete Lyyngaard, disparue cinq ans auparavant sur un bateau, dont le corps n’a jamais été retrouvé. Toutes les pistes finissent dans un mur, impossible de trouver un fil conducteur. Et puis, il y a le passé récent, une histoire non résolue, où Morck a été blessé, l’un de ses collègues tués et l’autre resté à l’état de quasi-légume, même s’il comprend tout et supplie son camarade de galère de l’aider à mourir.
Au gré des chapitres, l’auteur décrit le terrible accident de voiture qui a laissé orpheline la politicienne alors enfant, le ras-le-bol de Morck, dont ses collègues ne veulent plus entendre parler, sa femme qui l’a quitté, mais refuse le divorce, ses visites à l’hôpital et les mœurs et coutumes de son drôle de collègue.
Quelques détails assemblés par ces deux experts aux méthodes peu conventionnelles finissent par s’emboîter comme les pièces d’un puzzle. Et tandis que Merete Lyyngaard agonise dans des conditions atroces, les deux enquêteurs s’approchent du lieu de détention. Étiqueté « thriller », ce récit agit sur le lecteur comme une drogue, impossible de s’en arracher. C’est que les personnages, campés dans des situations tragi-comiques, tiennent en haleine, tant par l’humour décalé que par leur surprenante complémentarité. Au fil des pages, leur vie se dévoile, de même que celle de la victime, jusqu’au final mené tambour battant.
Certes, depuis des années, les polars tiennent le haut des vitrines des librairies et des grandes surfaces, mais Adler-Olsen assaisonne ses décors avec un talent étourdissant.
Jussi Adler-Olsen: Miséricorde, Livre de poche 32817, Paris, 2020, 528 p.
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pour le plaisir et bien d’autres choses…
