avant-propos

victoires dérisoires

Les mots gravitent autour du sens comme
Des planètes autour de l’astre
Trou noir

AZ

À la recherche d’un espace neutre, un endroit où une parole pourrait être entendue sans être déformée par le contexte.

Un plateau de télévision ? L’idée fait rire : il n’y a pas plus cliché, et qui dit cliché dit idée toute faite d’un contexte, publicité, musique, politesses d’usage, dosage convenu de sérieux et d’humour, d’inédit et de déjà-dit, de discours spontané et de minutage précis. Exclu !

Chez soi ? Une espèce de podcast comme on en a tant vu depuis le début de la pandémie ; la personne qui parle au centre son petit univers à elle… Bien sûr que non : le personnage colorie par trop le propos ; la caméra ne se fixe pas sur le sens. Et il ne saurait s’agir de soi, même si ce qui est dit sera toujours ancré dans le vécu d’un sujet.

Ou encore, une espèce de séminaire en live, faisant abstraction du fait que la version YouTube aura une audience infiniment plus grande que l’original ? Mais le contexte, celui d’une Académie explicitement ou implicitement, donnera à tout ce qui y est dit une coloration plus ou moins condescendante. Celles et ceux qui débattent derrière la grande table y sont d’ailleurs généralement placés à un niveau au-dessus du public.

Une table ronde peut-être, pour être plus démocratique ? Et finir par donner l’image d’une partie de poker dont tout l’enjeu réside dans l’art d’abattre ses cartes sur le tapis au moment stratégique ? Non merci ! L’idée de jeu pourrait être tentante, mais la situation et les problèmes à traiter sont trop sérieux pour être galvaudés par de telles mises en scène.

Un écran, ou un mur blanc, gris ou noir, sans autre présence que celle d’une voix ? Mais là, ce serait elle, la voix, qui retiendrait trop l’attention, avec ses intonations, son rythme, ses inflexions ; tout ce qu’elle pourrait révéler sur le sexe, l’âge, les origines et l’appartenance sociale de la personne qui parle. Non, encore une fois.

Ne reste plus que l’option de la page vierge sur laquelle le texte viendrait s’inscrire. Et là, presque autant qu’ailleurs, il faudra se méfier : le style, les sujets abordés, les références, tout est là pour trahir l’identité de l’auteur(e). Et ce, quelle que soit la protection souhaitée sous le couvert de l’anonymat.

Pourquoi cette tentative de retrait ? Par fausse modestie, pour ne pas avoir à défendre des énoncés contestables, pour brouiller les pistes à la manière d’un Banksy, pour ne pas aller à la rencontre des médias… ? Pour un peu toutes ces raisons, mais avant tout pour extraire le discours de ce jardin privé qui n’attire que la curiosité, dans lequel toute personne se meut. Un discours qui ne serait là que pour être contemplé, en tant que tel, hors contexte.

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