Ombres et poussières

Des mystères emberlificotés

Le sous-préfet (entendez commissaire, nouvelle appellation à l’italienne) Rocco Schiavone se trouve confronté à une affaire si emberlificotée, que ses nerfs sont mis à dure épreuve. Idem pour ceux du lecteur, qui finit par se perdre dans ce labyrinthe de personnages plus maléfiques les uns que les autres. Et de situations un peu trop rocambolesques.

Près d’Aoste, petite ville du nord-ouest de l’Italie, où le français est resté vivace, la police retrouve le cadavre d’une femme trans difficile à identifier, car dépourvu de la moindre pièce d’identité. L’affaire se complique très vite : si à Aoste, les flics pédalent dans la semoule, à Rome, un autre cadavre est retrouvé avec les coordonnées de Rocco dans la poche du pantalon. Raison suffisante pour celui-ci, d’embrayer aussi sec direction sa ville natale tant aimée, dont il a été chassé à cause de son sale caractère, rustre, sarcastique et totalement irrespectueux des hiérarchies. Menant les enquêtes selon sa bonne volonté et ses méthodes peu conventionnelles, il enregistre des succès foudroyants qui ne plaisent pourtant pas toujours aux huiles. Râleur de nature, il a de quoi alimenter sa grogne dans cette minuscule cité, où le froid, la neige et le paysage montagneux le mettent en rage.

Dans ce septième opus, il se retrouve encore plus seul que dans « Un homme seul », quatrième volume de ses enquêtes. Ni ses acolytes, les pires flics de la péninsule, selon lui, ni son bras droit, Italo, plutôt doué, ni le préfet, ne comprennent rien à cet imbroglio, où sont mêlés les services secrets, les politiques, la mafia et d’autres entités peu recommandables. C’est davantage la personnalité de ce poulet perdu loin de sa patrie que l’enquête elle-même, qui retiendra l’attention du lecteur. Hanté par des souvenirs douloureux, l’assassinat de la fille d’un ami perpétré chez lui alors qu’il était lui-même visé, et la mort inexpliquée de son épouse adorée, plusieurs années auparavant, qui occupent son esprit et entretiennent sa noirceur intérieure. Mais, vaille que vaille, ses investigations mettent en lumière les rouages pourris de la vie quotidienne en Italie, dans laquelle s’inscrivent ces deux homicides. Et Rocco Schiavone se demande s’il aime encore Rome, si la confiance est encore une valeur à laquelle s’accrocher, alors que son adjointe et amante elle-même finit par le trahir.

Dans le bourbier ambiant, il y a heureusement Lupa, la chienne fidèle et drôle et un petit voisin, Gabriele, un ado laissé à lui-même, auquel Rocco s’attache.

La chute est douloureuse, le lecteur attend la suite avec impatience.

Antonio Manzini : Ombres et poussières, Folio policier 1008, 418 p., 20024.

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2022

pour le plaisir et bien d’autres choses…

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