
Écrivain, un métier à tout faire
Si un auteur lit ces quelques lignes, il ne sera pas surpris – mais peut-être rassuré – d’apprendre qu’il n’est pas le seul à gagner 0,0005 centime de l’heure pour son job d’homme ou de femme de lettres, oh combien chronovore et contraignant.
Durant 25 ans, le photographe Franck Courtès a shooté les vedettes, les politiques et autres sportifs. Il a dormi dans les grands hôtels de la planète, menant une existence passionnante, au service de divers médias, pas toujours très honnêtes quand il était free-lance. Comme ce rédacteur en chef qui refuse de le payer, arguant du manque d’intérêt des clichés… que le photographe retrouve vendus à prix d’or à un média américain !
Un jour, il en a eu marre, croyant entendre l’appel de… la littérature. Il balance sa vie par-dessus bord, range ses appareils photo au fond d’une armoire et décide d’écrire. Son entourage est dubitatif, jusqu’au moment où l’argent ne permet plus d’entretenir le très grand appartement qu’il occupe avec femme et enfants en région parisienne. Après avoir tenté de le ramener à la raison, famille et amis s’éloignent, affichant leur mépris. Sa douce et indépendante moitié rejoint Montréal, où elle a déniché un bon boulot, emmenant les gosses.
Opposée à son projet, sa mère met néanmoins à sa disposition un minuscule studio qu’elle possède à Paris. Notre homme de plume, qui avait connu le stress permanent, le succès, l’argent, les fuseaux horaires qui boostent l’adrénaline et la fatigue, se retrouve solitaire devant son ordinateur. Il écrit, il écrit, publiant plusieurs romans et recueils de nouvelles, obtenant même des prix littéraires, des invitations sur les plateaux télé, de bonnes critiques dans la presse.
Comme les droits d’auteur ne dépassent guère 1,50 euro par bouquin écoulé, il crève la dalle dans son minuscule espace. En France, quasi 70% des écrivains ont un travail alimentaire, menant un double boulot pour le prix d’un, qui, le plus souvent, ne les intéresse pas, sauf pour quelques écrivains journalistes ou profs, qui trouvent ainsi un compromis acceptable.
En 2023, alors qu’il a cinq livres à son actif, il publie A pied d’œuvre, le récit le plus désespérant et tragi-comique de la littérature française. Il y fait le compte rendu lucide et cruel de sa situation. Il a perdu treize kilos et de nombreuses connaissances, mais il est auréolé du titre envié d’écrivain. Un riche homme d’affaires, apprendra-t-il un jour, refuse de lui donner du travail, car il a lu l’auteur et ne peut se résoudre à le payer 25 ou 30 euros de l’heure pour une intervention dans sa maison !
Aucun mécène ne se présentant à la porte de sa très modeste demeure, il se met lui aussi en quête de travail, et pas question de reprendre la photo. N’ayant aucun diplôme, il en est réduit aux emplois les plus humbles, à la morgue des employeurs et, comme il présente, au départ – ça changera vite –, une allure d’intello, il n’est pas le bienvenu dans les milieux des pauvres anonymes, les esclaves du système. Il survit avec… 250 euros par mois.
Ne sachant pas œuvrer en épargnant son organisme, celui-ci finit par s’effondrer. Il est détruit physiquement et mûr pour les sociaux. Il trouve une alternative, un bout de chemin qu’il va parcourir en tant qu’aide en agriculture, loin de ce Paris de l’échec (selon lui), qui lui laisse toutes ses matinées pour la littérature.
Édifiant.
Franck Courtès: À Pied d’oeuvre, Paris, Folio7492, 2025, 220 p.
les critiques 2025
- À pied d’œuvre
- Guerre nucléaire. Un scénario
- Le Chat du bibliothécaire : Succès mortel
- Les Sciences pour les nuls
- Hatshepsout, femme pharaon
- Ombres et poussières
- Les Grandes personnes
- Contre-atlas de l’Intelligence artificielle
- Brooklyn
- Piste Noire
- Rose / House
- Les Mille et une gaffes de l’ange gardien Ariel Auvinen
- La Révolte des Caryatides
- Le Dernier des Weynfeldt

2024
- Dans la tête d’un chat
- Le Côté obscur du cadran
- Dark Matter
- Comment enterrer son mari en toute discrétion
- NO BLACK OUT
- Histoire de l’homme qui ne voulait pas mourir
- L’Homme inquiet
- Les Chances qu’il nous reste
- Mémoire d’une forêt
- Surface
- L’Effet papillon
- Le Troupeau aveugle
- Selfies
- Brunetti entre les lignes
- Sel
- Sur la dalle
- Délivrance. Les Enquêtes du département V, 3
- Le Valet de peinture
- Globalia
- Le Chien de Madame Halberstadt
- Miséricorde
- Carnets des Malouines
- Le MLF du Jura, un processus d’émancipation
- L’Iris blanc
2023
- La Maison des rumeurs
- Check-point
- Allmen et les libellules
- Huit crimes parfaits
- L’Antre du diable
- Câlin papillon
- Électre à La Havane
- À peine un petit mouchoir bleu
- Le Gouffre du cafard
- Pas de fusils dans la nature
- Le Royaume des enfoirés
- L’Argentin
- L’Île du Serment
- Dystopique cahier 1
- Et c’est ainsi que nous vivrons
- Les Masques éphémères
- Clara et la pénombre
- Éléphant
- La Porte de Bosch
- Le Peigne de Cléopâtre
- Petite Brume
- La Pièce
- Le Mystère Croatoan
- L’Affaire des lubies du temps perdu
- De la main d’une femme
- Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ?
- La Collection inavouable
- Crâl
- Lucia
- La Ligne obscure
- Les bottes suédoises
- Jours merveilleux au bord de l’ombre
- Les Années glorieuses, t. 2 : Le Silence et la colère
- Azad
- Boniments
- Donner sa langue au chat
- Les Années glorieuses – 1. Le Grand monde
- La Boisselière
- vagabondages solaires
- Le Dernier message – Le Passager sans visage – L’Archipel des oubliés
- Liquidations à la grecque
- Le féminin du temps
- Le baiser d’Anubia
- « Doux comme le silence » et « Les Lunettes de sommeil »
- Cortex
- La fille du diable
- Grenier 8
- Jura – les dompteurs du froid
- L’Arche de Rantanplan
- Fête des pères
2022
pour le plaisir et bien d’autres choses…
