La mémoire du Trias

Si les lecteurs s’intéressaient à la vie des auteurs, ils découvriraient parfois la face funeste de leur vie quotidienne, les drames qui ont conduit à leurs démarches littéraires et sans doute le puits infernal de leur inconscient. Ainsi, le Britannique J.G. Ballard, qui a laissé une marque indélébile dans le monde de la science-fiction et influencé la musique post-punk, tels Joy Division ou Gary Numan. Né à Shanghai en 1930, il est emprisonné en 1942 dans un camp de détention pour civils, à la suite de l’invasion de la Chine par le Japon. Il rejoint l’Angleterre à l’âge de 16 ans et tente des études de médecine, puis de littérature anglaise, mais les abandonne, incapable de s’adapter au mode de vie anglais. Il s’engage dans l’armée de l’air, vend des encyclopédies, devient rédacteur publicitaire, bibliothécaire, puis rédacteur en chef d’une revue scientifique, un boulot qui déteindra sur son œuvre littéraire, où évoluent souvent des scientifiques comme dans « Le Monde englouti ».
Il commence à publier des nouvelles quand il perd sa femme de manière brutale durant un séjour en Espagne. Il en reste si profondément atteint que son écriture dérive vers des visions sombres, qui donnent naissance à son style de science-fiction postapocalyptique aux relents scientifiques et aux phrases sophistiquées, qui décrivent des personnages hallucinés dans des décors fantasmagoriques.
« Le Monde englouti » fait partie d’une tétralogie, dont il a refusé la réédition du premier opus, « Le Vent de nulle part », qu’il estime sans réel intérêt. Suivront, après « Le Monde englouti », « Sécheresse » et « La Forêt de cristal ».
« Le Monde englouti » se déroule à Londres, ou plus précisément au-dessus de Londres, envahie par les océans à la suite d’un réchauffement climatique violent, provoqué par un emballement du soleil, qui a entraîné la montée eaux. Les humains qui ont survécu se sont réfugiés aux pôles, la planète étant désormais la proie d’une élévation constante des températures. Les journées au-dessous de 37 degrés se font rares au-dessus de Londres engloutie et aux prises avec une flore et une faune qui se rapprochent de celles en vigueur à l’époque du Trias. Si les animaux et les plantes ont subi une régression, peu à peu, les humains sont rattrapés par des rêves qui pourraient rappeler des souvenirs d’humanité de cette lointaine histoire. Un peu comme si le changement climatique imposait à l’inconscient un retour vers un passé inimaginable. Plus la température monte, plus les rêves se font prégnants, à tel point que le personnage principal, le biologiste Robert Kerans, ne distingue plus le réel de la rêverie.
Entouré d’autres scientifiques, de sa richissime maîtresse, il croise un flibustier excentrique, qui amasse des trésors enfouis dans les musées ensevelis du monde. Une équipe aussi frappadingue que lui l’accompagne dans ses chapardages aquatiques. Il a à sa disposition un attirail technologique qui lui permet de cambrioler et de présenter des scènes carnavalesques, comme la vidange d’une lagune, massacrant au passage les crocodiles et autres iguanes géants qui désormais ont pris possession de la planète et de sa nouvelle flore gigantesque.
Que cherche Kerans, finalement ? Après de vains combats contre le flibustier et le colonel qui, pourtant lui a sauvé la vie, il décide, contre toute logique, de partir vers le sud. Survivra-t-il dans la jungle monstrueuse qui s’est développée sur les coins de terre immergée ?
Étincelant d’images débridées et baroques, incroyablement riche en descriptions d’une nature monstrueuse, ce deuxième récit de la série apocalypse sonne comme l’avertissement d’une fin du monde programmée.
J.G. Ballard, Le Monde englouti, roman, Ed. Denoël, Folio SF 387, Paris, 2019, 239 p.
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