l’intégrale des chroniques de René Gori

les chroniques de René Gori sont publiées tous les mercredis dans la lettre de nouvelles du Gorilla Zeitung

les chroniques publiées…

  • 5. le poids d’une plume

    publié le

    Depuis qu’il dispose d’un nom, Gustave, mon samovar, ne peut s’empêcher de papoter à tout va. J’ai découvert qu’il pratiquait plusieurs langues avec une prédilection pour le turc.

    C’est un plaisant compagnon tenant compagnie durant les heures interminables où je demeure devant la fenêtre.

    J’attends éperdument la fille sur le banc, de l’autre côté du canal, derrière les clapotis. J’attends jusqu’à ce que le lampadaire s’illumine.

    Personne ne vient sauf la nuit.

    Je me retire dans la cuisine avec ma fontaine à thé installée sur le petit meuble à côté du fourneau.

    Ce soir, Gustave, avec un grand sérieux, me demande si je connais le poids d’une plume.

    Je ne me suis jamais posé cette question, mais je comprends toujours l’importance de ce qui apparaît de prime abord comme un détail.

    Toutes les plumes ont-elles le même poids ?

    Celles du gypaète barbu ressemblent à la toison d’un mouflon mouillé, celles du canard glissent facilement sur les rivières, celles des poules se calfeutrent avec des allures de danseuses légères, celles des corbeaux transportent tous les charbons du monde, celles des perroquets répètent à l’infini de curieux motifs colorés, celles des canaris semblent tombées de la coquille d’un œuf, celles des manchots sont fusains sur la congère d’une page essoufflée, celles de l’autruche ventilent de la poussière, celles des hiboux arborent la teinte cendrée des incendies, celles des rouges-queues voltigent avec la timidité des êtres fragiles, celles des moineaux se dispersent sous la patte des chats.

    Toutes singulières, toutes différentes.

    Mais celles des écrivains, font-elles assez de bruits lorsqu’elles grattent le papier ?

    dernière parution : Éd. Épuisées (1970) Mode d’emploi sur le bon usage des Tamtams Tonnerre

    réédition les éditions épuisées collection des 4e de couverture (2024)

    publications

    je regarde le monde
    comme si j’étais un astronaute

  • 4. Gustave le samovar

    publié le

    Depuis plusieurs jours, le brouillard s’est installé à Utrecht.

    L’eau des canaux, restée chaude de l’été, frémit avec l’arrivée des premières fraîcheurs automnales. Dès le matin, les fumerolles valsent entre les nénuphars. Petit à petit, la chorégraphie des vapeurs s’élance vers le ciel. Dès l’aube, cette ville des Pays-Bas s’imprègne d’une allure londonienne.

    De ma fenêtre, je ne distingue plus les canards allant d’une rive à l’autre, encore moins l’arbre, le banc, le lampadaire et l’espoir de cette silhouette féminine au visage dissimulé derrière un livre.

    Je m’ennuie, alors je fais la conversation à mon samovar.

    Durant sa jeunesse, il avait reçu un coup sur son bec de théière. Comme l’appendice est légèrement tordu, il parle du nez. La cause de cet accident reste mystérieuse. Je suis un homme patient, un jour, il racontera l’aventure.

    Ce samovar n’est pas nommé, ce qui est regrettable. 

    Avant de choisir un patronyme bien adapté, je retourne à la brocante de la rue des Cigognes afin de me renseigner sur son origine. Le marchand n’en sait rien, mais me propose d’acquérir pour un juste prix, deux casseroles indonésiennes, les demoiselles Wok.

    Prudemment, j’opte pour une poêle du Creuset tout à fait charmante.

    De retour à la maison, j’observe un instant ma fontaine à thé avant de lui adresser la parole. Des gouttes de condensation slaloment sur sa peau métallique. Il m’aperçoit et me gratifie d’un large sourire.

    Je lui annonce qu’il s’appellera Gustave, Gustave le samovar.

    Il est heureux, car il devine que ce qui est nommé, même une seule fois, existe pour toujours.

    dernière parution : Éd. Épuisées (1970) Traité sur l’application de la vélocité des ascenseurs selon l’altitude (épuisé)

    réédition les éditions épuisées collection des 4e de couverture (2024)

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    comme si j’étais un astronaute

  • 3. le hoquet entre les mots

    publié le

    De ma fenêtre, je regarde les canards qui défilent sur le canal. Ils laissent un sillage qui se dilue dans les herbes immergées de la rive.

    Sur l’écritoire, une page blanche attend patiemment. Le temps venu, je déroulerai mon écriture. Il y aura des ratures, soubresauts inconvenants, à l’image de ces hoquets qui troublent les discussions dans les soirées mondaines. Ce sont des impolitesses qui prennent leurs aises, des désagréments impromptus se dissimulant derrière le drapé d’un sourire ou d’une fausse indifférence.

    Quand la matinée sera bien avancée, je retournerai à la rue des Cigognes. Lors de ma visite précédente, j’avais remarqué un samovar. Ce récipient russe qui hésite entre le fourneau et la théière, dont le nom provenant de la langue tatare, signifierait « fontaine à thé ».

    Il y a, parait-il, au-delà de l’Oural dans la cuisine des isbas, une place réservée uniquement à cet ustensile. À sa gauche, contre le mur, est fixée une icône avec l’espoir d’écarter les malheurs qui pourraient troubler l’eau et rendre la boisson amère.

    Si le prix est honnête, j’en ferai l’acquisition. Je me méfierai du petit singe empaillé et je fuirai son regard. Le marchand proposera des pistaches et je quitterai le magasin en tenant mon nouvel ustensile sous le bras.

    Je possède un thé d’Arménie parfumé au jasmin. Avec le temps, il a perdu sa saveur. Si je le laisse infuser longtemps, peut-être qu’il retrouvera sa couleur ?

    Est-ce que la plume court plus facilement sur le papier lorsqu’on a goûté à cette boisson ?

    En attendant, toujours rien, de l’autre côté, sur le banc.

    dernière parution : Utrecht Éd. Épuisées (1970) Monographie sur la place des samovars dans la peinture de Malevitch (épuisé)

    réédition les éditions épuisées collection des 4e de couverture (2024)

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  • 2. costume rouge et boutons dorés

    publié le

    Pour ceux qui s’en souviennent, dans la brocante de la rue des Cigognes, j’avais acheté une écritoire.

    Mon regard avait été attiré par des babioles étalées derrière la vitrine et j’avais franchi la porte du magasin. La sonnette reproduisait le son de « Big Ben », le « Grand Ben » de Londres.

    De la réserve, située à l’arrière, parvenait un bruit de pas s’approchant. Le rideau s’est écarté et le marchand, un petit homme bossu, est apparu. Il était tiré quatre épingles, des élastiques retenant les manches de sa chemise, un gilet lustré auquel il ne manquait aucune pression. Un pantalon d’une coupe serrée. Des chaussures noires, pointe cuivrée, lacets, double nœud, et un sourire avenant. Il s’est installé derrière le comptoir, extrayant d’un tiroir une boîte métallique contenant des pistaches. Sans rien dire, il a versé le contenu entre nous et nous avons commencé à les croquer les unes après les autres.

    Plus loin, sur le marbre, vers la caisse enregistreuse, trônait un petit singe empaillé, vêtu d’un costume de fanfare aux boutons dorés. L’animal affichait un rictus désinvolte. Devinant ma curiosité, le marchand expliqua que la bête était morte, parait-il, de la grippe espagnole.

    Il sembla que la pupille de l’étrange chose se dilata brièvement, un peu comme un prédateur s’assure de la trajectoire à suivre afin de saisir sa proie. Je n’étais pas sûr d’avoir vu ce que j’avais vu, mais je suis un homme prudent. J’ai payé le prix demandé et je suis reparti avec l’écritoire.

    Je l’ai posée devant ma fenêtre, à l’endroit d’où l’on aperçoit l’arbre, le lampadaire et le banc.

    Aujourd’hui, il n’y a personne.

    dernière publication : Mode d’emploi sur le bon usage des passoires (1970 – épuisé)

    réédition les éditions épuisées collection des 4e de couverture (2024)

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  • 1. au commencement

    publié le

    Tout a un commencement, mais parfois, la chose elle-même ne sait rien de son commencement. Pour ma part, je ne sais pas quand j’ai commencé, mais je sais que je continue. J’ai un soupçon sur le début, cet instant où est apparu le point départ.

    Je me trouvais à la rue des Cigognes. Imaginez quelques façades décorées de lierre et de sarments. L’alignement des habitations est courbe. De la première maison, on ne distingue pas la dernière. En avançant, chaque pas révèle un mystère. Sur le chemin se dévoilent les vitrines des petits magasins. Rien de moderne, seulement la nostalgie d’un passé que je croyais disparut. Les habitants ont tiré une chaise sur les pavés et papotent à propos des morts et des mariages. Juste avant midi, la galopade des enfants revenant de l’école trouble la tranquillité. En été s’y ajoutent les cris aigus des hirondelles.

    Je ne savais pas qu’un tel lieu existait encore à Utrecht.

    Derrière la vitre d’une brocante, entre un samovar et une collection de poêles à frire, j’ai remarqué une écritoire, réservoir d’encre noire, et posé dessus, relié en cuir, un livre de pages blanches.

    J’ai acheté le tout et j’ai écrit mon premier paragraphe.

    Je m’appelle René Gori et j’habite au bord de l’eau, à côté d’un canal. Sur l’autre rive, un arbre, un lampadaire et un banc. Comme je suis curieux, j’observe la silhouette d’une femme assise. Perdue dans sa lecture, dissimulée, sereine, elle tourne les pages d’un livre. Je ne devine que les sourcils.

    Dans mon grimoire, je tiendrai chronique jusqu’à ce jour où, par un soleil de printemps et une brise d’espoir, je distinguerai l’entièreté de son visage.

    dernière publication : Traité sur l’application intelligente de la musique dodécaphonique (1970 – épuisé)

    réédition les éditions épuisées collection des 4e de couverture (2024)

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  • René Gori et l’escargot qui éternuait

    Depuis la nuit des temps, pour être honnête, depuis le jour de ma naissance, je sais entendre les plus petites musiques des plus petits êtres.

    La fourmi mélancolique déambulant avec la colonne transportant les fournitures nécessaires à la colonie fredonne l’une des Gnossiennes d’Éric Satie, toujours la même, la numéro 3, celle qui donne l’impression que la vie demeure éternellement un rêve.

    Les ouvrières les plus stakhanovistes dépassent les autres sur le rythme endiablé du Boléro de Ravel, claquent des mandibules et gonflent les muscles de l’abdomen, posture qui n’est pas sans rappeler les concours de culturisme masculin.

    Les limaces ashkénazes jouent de la musique klezmer, alors que l’escargot au déhanché argentin s’égare régulièrement sur la mélancolie amoureuse du tango laissant une trace dérivante après son passage.

    Parfois je me demande si les compositeurs ne dérobent pas les symphonies, les concertos, les oratorios et les harmonies à nos amis nichant dans les herbes, sous les planches des placards, dans les fleurs et leur nuage de pollen, voire même à ces jeunes larves dévorant l’intérieur d’un cadavre de buffle étendu sur la savane et que les hyènes dédaignent.

    La musique était là bien avant l’homme, car celui-ci est généralement sourd et peu mélomane, se nourrissant de feux d’artifice et s’extasiant devant les fanfares militaires.

    La nature, bienveillante, a délégué ses plus petits représentants. Ils se sont glissés à l’intérieur des oreilles de l’homme et chanté les berceuses qui deviendraient plus tard la belle musique des âmes.

    L’homme ne sait rien faire par lui-même si on ne l’aide pas un peu avec des songes.

    Je racontais à Gustave, mon ami escargot de Bourgogne, la naissance de la composition, mais comme il avait pris froid la nuit précédente, il a éternué toute la journée et nous avons opté pour une discussion portant sur les grogs, les écharpes et l’ibuprofène.

    Utrecht, en regrettant d’avoir marché par inadvertance sur une fourmi musicienne.

    la pression exercée sur la pauvre fourmi est égale à ma masse divisée par la surface de mon pied, mais est-ce que je dois ajouter le poids qui pèse maintenant sur ma conscience ?

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de niezende slak

    Sinds het begin der tijden, om eerlijk te zijn sinds mijn geboorte, hoor ik de kleinste muziekjes van de kleinste wezentjes.
    De melancholische mier die in de colonne wandelt en de voorraden draagt die de kolonie nodig heeft, neuriet een van de Gnossiennes van Éric Satie, altijd dezelfde, nummer 3, degene die de indruk geeft dat het leven voor altijd een droom is.
    De meest Stakhanov-achtige werkers overtreffen de anderen op het uitzinnige ritme van Ravels Bolero, waarbij ze hun kaken breken en hun buikspieren opblazen, een houding die doet denken aan mannelijke bodybuildingwedstrijden.
    De Asjkenazische slakken spelen klezmermuziek, terwijl de slak met de Argentijnse wiebel regelmatig afdwaalt naar de amoureuze melancholie van de tango en een spoor van drift achterlaat.
    Soms vraag ik me af of componisten de symfonieën, concerten, oratoria en harmonieën niet stelen van onze vrienden die zich nestelen in het gras, onder de vloer van kasten, in bloemen en hun wolk van stuifmeel, of zelfs van de jonge larven die de binnenkant van een buffelkadaver verslinden dat op de savanne ligt en dat de hyena’s verachten.
    Muziek was er al lang voor de mens, want de mens is over het algemeen doof en niet zo’n muziekliefhebber, die zich voedt met vuurwerk en raaskalt over militaire bands.
    De natuur, welwillend, delegeerde haar kleinste vertegenwoordigers. Ze glipten de oren van de mens binnen en zongen de slaapliedjes die later de prachtige muziek van de ziel zouden worden.
    De mens weet niet hoe hij iets zelf moet doen, tenzij we hem een beetje helpen met dromen.
    Ik wilde Gustave, mijn slakkenvriend uit Bourgondië, vertellen over het ontstaan van de compositie, maar omdat hij de avond ervoor verkouden was geworden, niesde hij de hele dag en kozen we voor een gesprek over peuters, sjaals en ibuprofen.

    Utrecht, met spijt dat hij per ongeluk op een muziekmier is gestapt.

    de druk die op de arme mier wordt uitgeoefend is gelijk aan mijn massa gedeeld door het oppervlak van mijn voet, maar moet ik het gewicht dat nu op mijn geweten drukt erbij optellen?

  • René Gori et le Saguaro héliotropique

    Midi, sous un soleil de plomb, j’ai entamé un échange passionnant avec mon ami Grégoire. Lors de nos discussions, maintenir l’attention et une chose compliquée. La lenteur de ses réponses à mes interrogations y contribue, mais assure à ses avis une gravité qui lui est personnelle.

    Mon copain est né au Mexique dans le désert de Sonora, une graine issue de la famille Saguaro Gigante. Sa mère, prénommée Gisèle, n’avait jamais indiqué l’origine paternelle parce qu’elle ne la connaissait pas ou parce que la parthénogenèse était effective dans cette famille de cactus, les Cactaceae.

    Un géologue américain avait déraciné Grégoire et offert la jeune pousse à son amante new-yorkaise, une fille velue passionnée par tout ce qui pique. La jeune femme terminait ses études de criminologie à Nyenrode Business Universiteit d’Utrecht lorsqu’un tram lui passa dessus et la découpa en trois morceaux « équisymétriques ». Les parents éplorés rassemblèrent le corps pour l’emporter, mais laissèrent sur place les meubles et les plantes.

    Grégoire fut jeté sur un trottoir où je le récupérai complètement assoiffé. Il trouva place sur la commode de la grande fenêtre. L’ensoleillement de nos contrées est loin d’être considérable et sa peau ressembla de plus en plus à celle d’un cornichon.

    Ne se laissant pas aller, il a développé, à l’instar des tournesols, des capacités héliotropiques.
    Son teint s’est amélioré jusqu’à retrouver un aspect scintillant, et lui, l’usage de la parole.

    Vers treize heures trente, il a abordé l’hypothèse socratique selon laquelle le juste n’est pas équivalent à l’utile.

    Utrecht, songeur face à la propension philosophique des cactus

    la buse qui plane nargue le lapin

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de heliotrope Saguaro

    Middags, onder een brandende zon, begon ik aan een fascinerende uitwisseling met mijn vriend Grégoire. Tijdens onze gesprekken is het vasthouden van de aandacht een ingewikkelde zaak. De traagheid waarmee hij mijn vragen beantwoordt draagt hieraan bij, maar geeft zijn meningen ook een zwaarte die persoonlijk voor hem is.
    Mijn vriend is geboren in Mexico in de Sonora woestijn, een zaadje van de Saguaro Gigante familie. Zijn moeder, Gisèle genaamd, heeft nooit over de afkomst van zijn vader gesproken omdat ze die niet kende of omdat parthenogenese in deze cactusfamilie, de Cactaceae, werd toegepast.
    Een Amerikaanse geoloog had Grégoire ontworteld en de jonge scheut aan zijn New Yorkse minnares gegeven, een harig meisje met een passie voor alles wat prikt. De jonge vrouw was haar studie criminologie aan de Nyenrode Business Universiteit in Utrecht aan het afronden toen een tram over haar heen reed en haar in drie « equisymmetrische » stukken sneed. De rouwende ouders raapten het lichaam op om het weg te brengen, maar lieten de meubels en planten achter.
    Grégoire werd op een stoep gedumpt, waar ik hem opraapte, helemaal dorstig. Hij vond een plekje op de commode bij het grote raam. We krijgen hier niet veel zon en zijn huid begon steeds meer op die van een augurk te lijken.
    Hij liet zich niet van de wijs brengen en ontwikkelde, net als zonnebloemen, heliotrope vermogens.
    Zijn gelaatskleur was verbeterd en hij kon weer praten.
    Rond half twee begon hij over de Socratische hypothese dat wat rechtvaardig is niet gelijk is aan wat nuttig is.

    Utrecht, nadenkend over de filosofische neiging van cactussen

    de vliegende buizerd beschimpt het konijn

  • René Gori et le damier hélicoïdal

    La Ville d’Utrecht (pas celle qu’on imagine, mais celle qui existe quelque part) se prépare pour la fête, alors mon cœur bondit de joie et je propose une figure agréable à mon miroir.

    Depuis trop longtemps, je vivais avec une sœur nouvelle, la monotonie.

    Je somnolais devant l’absence de désirs et d’aventures, ruminant les anecdotes passées et observant les castors disputer aux canards la portion du canal établie sous mes fenêtres.

    Je demeurais dans le silence d’une ville oubliée, disparue et désertée de ses habitants, une ville dans la sidération d’une pandémie, mais cette fois-ci sans autres maladies que celles qui ternissent et rabougrissent les âmes humaines.

    Puis après l’aube, le bruit du clapet de ma boîte aux lettres.

    À l’intérieur et vite décacheté, un courrier du Bourgmestre, papier vélin et odeur de jasmin, m’invitant personnellement à l’inauguration du quartier nouvellement érigé à la périphérie – La Ferblanterie.

    Pareille aubaine ne se refuse pas.

    Il est indiqué qu’il y aura un orchestre et du tango, des ballons à l’hélium, du fromage des polders, la plus belle fille du monde avec sa couronne de Miss Utrecht, une démonstration de natation finlandaise et le passage de deux girafes sur l’horizon, l’une s’appelant : l’élégance, l’autre : le déséquilibre.

    Ma curiosité est titillée en apprenant que l’architecte a travaillé selon le concept du damier hélicoïdal, autrement dit, de l’ordre dans la courbe.

    Je m’étonne de cette proposition étrange, alors il faut que je rase ma barbe de trois jours.

    J’ai décidé d’être propre et bien mis en toute circonstance, surtout devant un mystère.

    Utrecht, en peignant le blaireau du rasage

    aux yeux des monstres, sommes-nous des monstres ?

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en het spiraalvormige dambord

    De stad Utrecht (niet degene die je je voorstelt, maar degene die ergens bestaat) maakt zich klaar voor het feest, dus mijn hart maakt een sprongetje van vreugde en ik stel een aangenaam figuur voor aan mijn spiegel.
    Te lang had ik geleefd met een nieuw zusje, monotonie.
    Ik sluimerde in de afwezigheid van verlangen en avontuur, piekerde over anekdotes uit het verleden en keek naar de bevers die met de eenden wedijverden om het stuk kanaal onder mijn ramen.
    Ik sluimerde in de stilte van een vergeten stad, verdwenen en verlaten door haar inwoners, een stad in de roes van een pandemie, maar deze keer zonder andere ziekten dan die welke de menselijke ziel aantasten en verdoven.
    Toen, na zonsopgang, klonk het geluid van de klep van mijn brievenbus.
    Binnenin, snel opengemaakt, zat een brief van de burgemeester, op perkamentpapier en geurend naar jasmijn, waarin hij me persoonlijk uitnodigde voor de opening van de nieuwe wijk aan de rand – Tinnegieterij.
    Zo’n kans kon ik niet laten schieten.
    Er staat dat er een orkest en tango zullen zijn, heliumballonnen, polderkaas, het mooiste meisje ter wereld met haar Miss Utrecht-kroon, een Finse zwemdemonstratie en twee giraffen die over de horizon trekken, de ene heet elegantie, de andere onevenwichtigheid.
    Mijn nieuwsgierigheid wordt gewekt als ik hoor dat de architect heeft gewerkt volgens het concept van het spiraalvormige dambord, met andere woorden, orde in de curve.
    Ik ben verbaasd over dit vreemde voorstel, dus ik moet mijn baard van drie dagen afscheren.
    Ik heb besloten om onder alle omstandigheden netjes en opgeruimd te zijn, vooral als ik voor een mysterie sta.

     

    Utrecht, de scheerkwast schilderen

    in de ogen van monsters, zijn wij monsters?

  • René Gori et la vie pas simple

    Encore une fois, peut-être la dernière, me suis-je dit, j’ai observé la rive opposée du canal en espérant apercevoir la femme au sourire énigmatique.

    Il y a longtemps déjà, elle s’était brièvement installée sur un banc de bois.

    L’eau et les canards nous séparaient.

    Tôt ce matin, de l’autre côté, il y avait une ombre dissimulée par la brume dont les formes ou mon imagination évoquaient la douceur féminine.

    J’ai ajusté ma casquette de contrôleur sur le crâne, je suis resté debout comme un homme modeste et fier, puis j’ai décidé de patienter jusqu’à ce que s’efface le brouillard.

    Partout où les actions de la vie doivent rester secrètes, se dressent entre les regards et ce qui se déroule, des vitres dépolies ne laissant place qu’aux approximations ou aux inventions.

    Si cet être désiré existait vraiment, alors je transpercerais le verre, je me retrouverais au-delà du cristal, je marcherais pieds nus sur les éclats tranchants en expérimentant la souffrance et le désappointement triste des rêves perdus.

    Avant que le soleil ne touche les toits et ne dilue la brume, j’ai fait demi-tour. J’ai pensé qu’en dehors des illusions, la vie n’est pas simple.

    Utrecht, un bar perdu, soliloquant avec une danseuse des quartiers rouges

    après les artifices, retombent les cendres

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en het niet-zo-eenvoudige leven

    Opnieuw, misschien wel voor de laatste keer, dacht ik, staarde ik naar de overkant van het kanaal, in de hoop een glimp op te vangen van de vrouw met de raadselachtige glimlach. Lang geleden was ze even gaan zitten op een houten bankje. Het water en de eenden scheidden ons. Vanochtend vroeg, aan de andere kant, was er een schaduw verborgen door de mist, waarvan de vormen of mijn verbeelding vrouwelijke zachtheid opriepen. Ik trok mijn pet van kaartjescontroleur over mijn hoofd, stond als een bescheiden en trotse man en besloot toen te wachten tot de mist optrok. Waar de handelingen van het leven geheim moeten blijven, staat matglas tussen de ogen en wat er gebeurt, waardoor er alleen ruimte is voor benaderingen of verzinsels. Als dit gewenste wezen echt zou bestaan, dan zou ik het glas doorboren, mezelf voorbij het kristal vinden, blootsvoets over de scherpe splinters lopen, het lijden en de trieste teleurstelling van verloren dromen ervaren. Voordat de zon de daken raakte en de mist verdunde, keerde ik me om. Ik bedacht dat het leven buiten de illusies niet eenvoudig is.  

    Utrecht, een verloren bar, solerend met een danseres uit de rosse buurt

    na het vuurwerk valt de as

  • René Gori et le scarabée extensible

    J’ai délaissé la ville d’Utrecht pour un passage sur une île de la Frise, Texel.

    Un voyage dont j’ai oublié la raison, qu’importe, ce n’est pas toujours ce qu’on a prévu de faire qui est important.

    Sur place, j’ai découvert le Noorderhaaks, un banc de sable situé à l’ouest de Marsdiep, habité par une colonie de phoques.

    J’ai passé mes journées et mes nuits à écouter la musique de leurs amours, une sorte de chant langoureux qui monte vers les étincelles célestes et retombe en entraînant une pluie de nouveau-nés.

    J’étais étendu sur le sable, lorsque je fis la connaissance de Monsieur Albert qui se présenta de la sorte : «Bonjour, je suis Monsieur Albert, je n’ai qu’un prénom, mais c’est un prénom extensible».

    Je répondis que moi, c’était René, mais qu’à ma connaissance ce n’était pas extensible

    Rigolant, il prétendit que les humains étaient des êtres figés, peu élastiques, contrairement aux scarabées qui sont la mémoire des légendes de la création du monde.

    Cette affirmation était étonnante.

    J’ai exigé des explications.

    Les Scarabéoïdes, a-t-il affirmé, ont le cul dans le passé et la tête dans l’avenir.

    Quand ils s’étirent, l’arrière remonte jusqu’à l’âge des dinosaures, alors que la tête découvre ce qui va advenir.

    Cet insecte est capable d’être ici et ailleurs au même instant sur la durée du temps.

    J’ai demandé à Monsieur Albert s’il était un animal quantique.

    Il a répondu qu’il n’était qu’un scarabée extensible et m’a proposé de m’indiquer la combinaison de la loterie nationale néerlandaise de la semaine prochaine.

    Utrecht, en défaisant ma valise et en époussetant le sable de mes chaussettes

    où vont les étoiles quand il fait jour ?

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de uitzetbare kever

    Ik verliet de stad Utrecht voor een eiland in Friesland, Texel.

    Het is niet altijd belangrijk wat je gaat doen.

    Daar ontdekte ik de Noorderhaaks, een zandplaat ten westen van het Marsdiep bewoond door een kolonie zeehonden.

    Ik bracht mijn dagen en nachten door met luisteren naar de muziek van hun vrijpartij, een soort smachtend lied dat opstijgt naar de hemelse vonken en weer terugvalt, een regen van pasgeboren pups met zich meebrengend.

    Ik lag op het zand toen ik meneer Albert ontmoette, die zich als volgt voorstelde: « Hallo, ik ben meneer Albert, ik heb maar één voornaam, maar het is een verlengbare ».

    Ik antwoordde dat ik René heette, maar voor zover ik wist was die naam niet uitbreidbaar.

    Lachend beweerde hij dat mensen bevroren, onelastische wezens waren, in tegenstelling tot de kevers die de herinnering vormen van de legendes over de schepping van de wereld.

    Deze uitspraak was verbazingwekkend.

    Ik eiste een verklaring.

    Kevers, » zei hij, « hebben hun achterwerk in het verleden en hun hoofd in de toekomst.

    Als ze zich uitrekken, gaat de achterkant terug naar het tijdperk van de dinosauriërs, terwijl de kop uitzoekt wat er daarna gaat gebeuren.

    Dit insect is in staat om op hetzelfde moment hier en ergens anders te zijn.

    Ik vroeg de heer Albert of hij een kwantumdier was.

    Hij antwoordde dat hij gewoon een rekkever was en bood aan om me de combinatie voor de Nederlandse nationale loterij van volgende week te vertellen.

    Utrecht, ik pak mijn koffer uit en stof het zand van mijn sokken

    Waar gaan de sterren heen als het licht wordt?

  • René Gori et la loutre qui se lissait les moustaches

    J’avais la vanité de me croire indispensable comme peut l’être un homme prêt à la guerre et au contrôle de son territoire, puis mon ami van Moof a apporté sa roulade au massepain et au miel, alors j’ai découvert que la gourmandise surpasse toutes les passions.

    Comme mon ventre s’est légèrement arrondi, j’ai décidé de faire de l’exercice en pratiquant régulièrement le canoë sur les canaux en direction du lac d’Yssel.

    Lors d’une pause où je laissais filer l’étrave, Martha, une loutre, s’est accrochée à mon esquif, histoire de papoter et de lisser ses moustaches.

    Elle demanda si j’avais entendu parler des bassines, celles que des industriels audacieux creusaient dans la plaine.

    C’était pour conserver l’eau afin d’arroser les tomates qui poussent toute l’année.

    Cette idée est saugrenue, puisque les tomates viennent par avions de tous les coins du monde, mais Martha ne le savait pas.

    Elle insista en prétendant qu’à cause du pompage, les cours d’eau avaient rapetissé.

    Depuis, les carpes et les silures sont moroses, ne dorment plus, leur chair a un goût de carton sans valeur nutritive.

    Après un long silence, en tordant les trois poils poussant de chaque côté de sa truffe, elle me proposa de trouver une girafe danseuse, le seul animal qui saurait faire pleuvoir des cataractes et remonter le niveau des canaux, le moral des poissons et la qualité de la chair.

    Si elle valse bien, ajouta-t-elle, ils retrouveront le sommeil et je pourrai à nouveau les déguster avec plaisir.

    Elle cligna de l’œil et se laissa couler sous la coque.

    À mon retour, j’ai mesuré le jardin, inspecté la barrière et la tache de rouille, contrôlé la hauteur des arbres.

    L’enclos serait modeste, mais c’était faisable. Sans me soucier des formalités, j’ai décidé de me mettre en route pour la savane afin de chercher une danseuse de pluie et la supplier de venir s’installer à la maison.

    Peut-être que durant mon absence, mon ami van Moof acceptera d’arroser les plantes ?

    Utrecht, au dispensaire, en attendant la piqûre contre la fièvre jaune

    tête de girafe par-dessus canopée, givre à l’été

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de otter die zijn snorharen poetst

    Ik had de ijdelheid te denken dat ik zo onmisbaar was als een man die klaar is voor oorlog en controle over zijn territorium, toen bracht mijn vriend van Moof zijn marsepein- en honingroulade, zodat ik ontdekte dat hebzucht alle passies overwint.

    Omdat mijn buik iets ronder werd, besloot ik wat beweging te krijgen door regelmatig te kanoën op de kanalen richting het IJsselmeer.

    Tijdens een pauze toen ik de boeg losliet, hing Martha, een otter, aan mijn skiff, gewoon om een praatje te maken en haar snorharen glad te strijken.

    Ze vroeg of ik al gehoord had van de bassins, die enkele gewaagde industriëlen in de vlakte groeven.

    Het was om water te besparen voor het besproeien van de tomaten die het hele jaar door groeien.

    Het was een gek idee, want tomaten worden uit de hele wereld ingevlogen, maar dat wist Martha niet.

    Ze hield vol dat door het pompen de beken waren gekrompen.

    Sindsdien zijn de karpers en meervallen morsig geworden, ze slapen niet, hun vlees smaakt naar karton en heeft geen voedingswaarde.

    Na een lange stilte, terwijl ze aan de drie haren die aan elke kant van haar neus groeien draaide, stelde ze me voor een dansende giraffe te zoeken, het enige dier dat het staar kan laten regenen en het peil van de kanalen, het moreel van de vissen en de kwaliteit van het vlees kan verhogen.

    Als ze goed walst, » voegde ze eraan toe, « gaan ze weer slapen en kan ik er weer van genieten.

    Ze knipoogde en liet zich onder de romp zakken. Toen ik terugkwam, mat ik de tuin op, inspecteerde het hek en de roestvlek, controleerde de hoogte van de bomen.

    De omheining zou bescheiden zijn, maar het was te doen.

    Zonder me zorgen te maken over de formaliteiten, besloot ik naar de savanne te gaan om een regendanseres te zoeken en haar te smeken bij me te komen logeren.

    Misschien zou mijn vriend van Moof tijdens mijn afwezigheid de planten water willen geven?

    Utrecht, in de kliniek, wachtend op de gele koorts injectie

    giraffekop boven baldakijn, vorst in de zomer

  • René Gori et la vaisselle heureuse

    L’autre jour, un voisin m’a apporté un Strudel aux pommes et au miel orné d’un papillon en massepain. Des ailes fines, d’une teinte jaune et orange, saupoudrées de sucre vanillé, le tout surmonté par deux antennes en chocolat.

    Il s’est présenté sous le nom de monsieur van Moof, originaire de Leiden, travaillant jadis pour l’agence spatiale.

    Désormais à la retraite, il s’occupe d’entretenir le graissage des rouages des derniers moulins publics de Hollande. Un patrimoine que la modernité a peu à peu effacé du paysage.

    Ce doit être un original.

    Qui peut encore espérer à notre époque que la conquête de l’espace se révèle d’une quelconque utilité ou que les bras de toile s’agitant sous le vent sont autre chose qu’un souvenir perdu.

    Pour ma part, j’aime l’observation des étoiles, mais sans aucun désir de m’y rendre. La vue d’un moulin brassant l’air de la plaine stimule mes envies de poésie.

    Monsieur van Moof parle de roues dentées, de la diagonale du vent et de l’azimut des astres.

    Pour ma part, je raconte tout ce que savent les lampadaires du sens de la vie, je fait part de mon admiration pour les libellules tam-tam veillant sur les âmes des morts, de ma connaissance des girafes danseuses de pluie et de ma découverte de l’existence de géants fabriquant nos neiges hivernales en râpant les cratères de la lune.

    Tout en discutant, nous avons mangé la pâtisserie jusqu’à la dernière miette. J’avais préparé un café filtre très sucré, il n’en est rien resté non plus.

    Nous nous sommes quittés le ventre ballonné, promettant de nous revoir et de papoter autours des merveilles du monde.

    Van Moof est un petit monsieur avec une moustache qui remonte jusqu’aux lobes de ses oreilles, ses sourcils sont inégaux et son nez ressemble à un bouton d’ascenseur.

    Utrecht, en faisant la vaisselle, pour une fois avec le sourire

    La poésie ne se niche pas dans les histoires utiles

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de vrolijke gerechten

    Laatst bracht een buurman me een strudel met appel en honing met daarop een marsepeinen vlinder. Dunne vleugels, geel en oranje, bestrooid met vanillesuiker, met daarop twee chocolade-antennes.

    Hij stelde zich voor als de heer van Moof, een Leidenaar die vroeger bij de ruimtevaartorganisatie werkte.

    Nu hij met pensioen is, is hij bezig met het smeren van de wielen van de laatste openbare molens in Nederland. Een erfgoed dat de moderniteit geleidelijk aan uit het landschap heeft gewist.

    Hij moet wel origineel zijn.

    Wie kan in deze tijd nog hopen dat de verovering van de ruimte enig nut heeft, of dat de in de wind wuivende armen van het canvas iets meer zijn dan een verloren herinnering.

    Ikzelf geniet van sterrenkijken, maar heb geen zin om daarheen te gaan. De aanblik van een windmolen die de lucht op de vlakte beroert, stimuleert mijn poëtische verlangens.

    Meneer van Moof heeft het over tandwielen, de diagonaal van de wind en de azimut van de sterren.

    Wat mij betreft, ik vertel alles wat de lantaarnpalen weten over de zin van het leven, ik deel mijn bewondering voor de tam-tam libellen die waken over de zielen van de doden, mijn kennis van de regendansende giraffen en mijn ontdekking van het bestaan van reuzen die onze wintersneeuw maken door de kraters van de maan te raspen.

    Terwijl we praatten, aten we elke kruimel van het gebak op. Ik had een heel zoete filterkoffie gezet, maar ook daarvan was niets meer over.

    We vertrokken met een opgeblazen buik en beloofden elkaar weer te ontmoeten om over de wonderen van de wereld te praten.

    Van Moof is een kleine man met een snor tot aan zijn oorlellen, zijn wenkbrauwen zijn ongelijk en zijn neus lijkt op een liftknop.

    Utrecht, de afwas doen, voor één keer met een glimlach

    Poëzie nestelt zich niet in nuttige verhalen

  • René Gori et le retour tragique du lampadaire philosophe

    Un voisin s’est présenté, tenant en main les avis que j’avais placardés sur les murs du quartier.

    Avec un sourire large et indélicat, il menaça de prévenir les autorités.

    Quand un homme d’action est réduit à l’impuissance, il se réfugie dans des réflexions empreintes de gravité et trouve l’apaisement par la méditation.

    Une brume d’automne s’est levée, envahissant les rues.

    Dépité, j’ai accroché ma casquette de contrôleur au clou servant de patère, démonté mes catapultes et décidé d’une longue promenade nu-tête, un peu de pluie rafraîchirait mes idées.

    La nuit commençait, je n’ai pas jugé utile de longer le canal avec l’espoir d’apercevoir la femme de l’autre côté de l’eau.

    Laissant le hasard guider mes pas, j’ai suivi un chemin sinueux dérivant entre les bâtiments de la vieille ville, une couleur grise et une odeur mouillée, des façades aux portiques noires surmontées par des oriflammes jaunes, le tout parsemé d’impasses étroites.

    À l’extrémité de l’une d’elles, j’ai reconnu mon vieil ami, le lampadaire philosophe.

    Je me suis installé à son pied et je l’ai écouté raconter son aventure depuis notre dernière rencontre (voir ma chronique du 14 décembre 2022).

    À l’endroit de sa première installation, le grésillement de son ampoule importunait les passants et de nombreuses plaintes furent transmises au bourgmestre.

    On le débrancha afin de le remplacer par un modèle moderne.

    Pour lui, on chercha une place où il ne dérangerait personne.

    Il fut remisé au bout d’une série d’entrepôts vides et de maisons abandonnées, à l’arrière d’un dépôt de poubelles et à gauche de l’entrée d’un local de distribution alimentaire.

    Mon lampadaire prétendait qu’il répandait de la lumière sur l’humanité miséreuse et recalée des grandes villes.

    Il affirma qu’être utile est nécessaire à chacun, il y eut un hoquet comme si toute l’électricité de la ville hésitait, puis une surtension a eu raison de son dernier filament.

    Utrecht, après l’enterrement de mon ami chez un ferrailleur

    de moins en moins de lampadaires, c’est de plus en plus d’obscurité

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de tragische terugkeer van de lantaarnpaal van de filosoofrs meeuw

    Een buurman kwam opdagen met de berichten die ik op de muren van de buurt had opgehangen.

    Met een brede, schaamteloze glimlach dreigde hij de autoriteiten in te lichten.

    Wanneer een man van actie tot onmacht wordt gereduceerd, neemt hij zijn toevlucht tot ernstige overpeinzingen en vindt hij genoegdoening in meditatie.

    Een herfstmist steeg op, en overspoelde de straten.

    Neerslachtig hing ik mijn controleurspet aan de kapstok, ontmantelde mijn katapulten en besloot een lange wandeling te maken met ontbloot hoofd, een beetje regen zou mijn gedachten verfrissen.

    Aangezien de avond begon te vallen, vond ik het niet de moeite waard om langs het kanaal te lopen in de hoop de vrouw aan de andere kant van het water te zien.

    Ik liet me leiden door het toeval en volgde een kronkelend pad tussen de gebouwen van de oude stad, met een grijze kleur en een natte geur, gevels met zwarte portieken met daarop gele banieren, allemaal bezaaid met smalle doodlopende straatjes.

    Aan het eind van een ervan herkende ik mijn oude vriend, de filosofische lantaarnpaal.

    Ik ging aan zijn voet zitten en luisterde naar zijn verhaal sinds onze laatste ontmoeting (zie mijn column van 14 december 2022).

    Op de plaats van zijn eerste installatie stoorde het geknetter van zijn lamp de voorbijgangers en vele klachten werden naar de burgemeester gestuurd.

    Hij werd afgebroken en vervangen door een modern model.

    Er werd een plaats voor gevonden waar het niemand zou storen.

    Hij werd geplaatst aan het einde van een reeks lege pakhuizen en verlaten huizen, aan de achterkant van een vuilnisbelt en links van de ingang van een voedseldistributiecentrum.

    Mijn lantaarnpaal beweerde licht te werpen op de ellendige, mislukte mensheid van de grote steden.

    Het beweerde dat nuttig zijn noodzakelijk is voor iedereen, er was een hik, alsof alle elektriciteit in de stad aarzelde, toen een stroomstoot de laatste gloeidraad uitschakelde.

    Utrecht, na de begrafenis van mijn vriend bij een schroothandelaar

    steeds minder straatverlichting betekent steeds meer duisternis…

  • René Gori et les trois belliqueuses à plumes

    La semaine passée, j’ai perdu le contrôle de mon espace aérien en assistant à l’engloutissement de  mon prototype de chasseur en papier.

    Mon adversaire, mademoiselle Stuka, encouragée par ce succès, a renforcé ses effectifs.

    À cette première et indélicate mouette se sont joints deux mercenaires à la mine patibulaire, mademoiselle Focke-Wulf et mademoiselle Messerschmitt. Ce triumvirat s’est installé sur l’arrête supérieure du toit de la maison d’en face, encore de ce côté-ci du canal, légèrement décalée par rapport à mon habitation – je reste donc à portée de leurs attaques.

    Si je déambule dans mon jardin où j’entreprends l’installation d’un abreuvoir pour les girafes, elles me suivent du regard avec une parfaite synchronicité.

    Je ne dois pas laisser paraître la moindre faiblesse afin de maintenir un bon niveau de dissuasion, retardant une frappe en escadrille avec son éventuel et dévastateur bombardement au guano.

    Heureusement, le programme de fabrication des catapultes à patates est bien avancé, et une fois la peinture sèche, je serai à même de disposer de plusieurs lanceurs en ordre de marche.

    La couverture DCA devrait être suffisante pour déclencher des tirs de saturation empêchant l’approche de ces volatiles. Mon stock de pommes de terre me permettra de tenir jusqu’à l’arrivée de l’été.

    Depuis le jour de la première attaque, je porte en permanence ma casquette de contrôleur, car j’ai réalisé que cela me donnait un air sévère et décidé.

    En attendant le début des hostilités, elles, de leur côté, paradent avec le bec en avant, une allure martiale et les pattes tendues à l’équerre. Ces défilés sont à la fois inquiétants et ridicules.

    Ils se déroulent sous la supervision d’une mouette d’état-major, seulement de passage les beaux jours, très grosse et prénommée Hermann.

    Le temps presse et je dois encore m’équiper d’un projecteur puissant et d’une sirène d’alarme afin de contrecarrer les intrusions nocturnes et alerter mes voisins.

    Utrecht, en entassant des sacs de sable devant la porte de ma maison

    faut pas tenir le bec de la mouette si on écrit avec sa plume

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de drie gevederde krijgers meeuw

    Vorige week verloor ik de controle over mijn luchtruim toen mijn papieren gevechtsprototype werd opgeslokt. Mijn tegenstander, Miss Stuka, aangemoedigd door dit succes, versterkte haar krachten. Deze eerste en onverdienstelijke meeuw kreeg gezelschap van twee huurlingen met een ziekelijk gezicht, Miss Focke-Wulf en Miss Messerschmitt. Dit triumviraat heeft zich gevestigd op de bovenkant van het dak van het huis aan de overkant, nog steeds aan deze kant van het kanaal, enigszins verschoven van mijn huis – zodat ik binnen het bereik van hun aanvallen blijf. Als ik mijn tuin inloop waar ik een drinkplaats voor de giraffen aan het aanleggen ben, volgen ze mijn blik met perfecte synchroniciteit. Ik mag niet de minste zwakte tonen om een goede afschrikking te behouden, zodat een aanval van het eskader met zijn uiteindelijke en verwoestende guano-bombardement wordt uitgesteld. Gelukkig is het productieprogramma voor de aardappelkatapult in volle gang, en zodra de verf droog is zal ik verschillende lanceerinrichtingen in werkende staat hebben. Het afweergeschut moet voldoende zijn om de nadering van deze vogels te voorkomen. Mijn voorraad aardappelen is voldoende tot de zomer komt. Sinds de dag van de eerste aanval draag ik altijd mijn controleurspet, omdat ik besefte dat het me een strenge en vastberaden blik gaf. Terwijl ze wachten op het begin van de vijandelijkheden, paraderen ze met uitgestoken snavels, een krijgshaftige blik en hun poten in een rechte hoek gestrekt. Deze parades zijn zowel verontrustend als belachelijk. Ze vinden plaats onder toezicht van een stafmeeuw, die alleen op mooie dagen langskomt, erg groot is en Hermann heet. De tijd dringt en ik moet mezelf nog uitrusten met een krachtige schijnwerper en een alarmsirene om nachtelijke inbraken te verijdelen en mijn buren te waarschuwen.

    Utrecht, zandzakken stapelen voor mijn huis

    je mag de snavel van de meeuw niet vasthouden als je met je pen schrijft…

  • René Gori et la mouette anti-littéraire

    Je me brossais les dents au-dessus du lavabo quand je me suis aperçu que la circulation de l’eau dans la plomberie de nos maisons demeurait un mystère.

    En effet, comment imaginer les tourbillons et les turbulences qui déferlent dans nos canalisations modernes ?

    Un immeuble de quinze étages est comme le bassin versant d’une région immense où circule ce qu’une multitude d’habitants relâche quotidiennement.

    Muni d’un entonnoir, auquel j’ai adjoint un flexible de caoutchouc, j’ai sondé et écouté au-delà de mon siphon utilisant le pavillon comme amplificateur sonore.

    Certains prétendent qu’une musique se fait entendre entre les étoiles – la respiration des trous noirs.

    Ce n’est pas ce que j’ai entendu, mais je n’entrerai ni dans des détails ni dans des descriptions inutiles.

    La tuyauterie gardera ses secrets, je me dirigerai vers d’autres énigmes à résoudre.

    Pour passer le temps, j’ai plié la feuille de papier d’une de mes lettres de lecteur pour en faire un avion et je l’ai propulsé depuis la fenêtre de mon grenier, le point le plus haut qui me soit accessible.

    J’espérais que le vol se poursuivrait au-delà du canal.

    Au début, tout se passait bien et je philosophais sur la contradiction de voir mes écrits s’envoler bien mieux que mes paroles.

    Une mouette a interrompu mes réflexions, surgissant de nulle part et avalant d’un coup de bec rageur, l’entier de mon aéronef.

    Je savais que les volatiles sont des êtres jaloux, mais j’ignorais qu’ils l’étaient suffisamment pour s’attaquer à la littérature.

    Utrecht, devant un traité sur la fabrication des catapultes à patate

    patate qui vole, mouette qui décolle

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de anti-literaire meeuw

    Ik was mijn tanden aan het poetsen boven de gootsteen toen ik me realiseerde dat de circulatie van het water in de leidingen van onze huizen een mysterie blijft.

    Inderdaad, hoe kan men zich de wervelingen en turbulenties voorstellen die door onze moderne leidingen stromen?

    Een gebouw van vijftien verdiepingen is als de waterscheiding van een immens gebied waar wat een veelheid aan inwoners dagelijks loslaat, circuleert.

    Uitgerust met een trechter, waaraan ik een rubberen slang toevoegde, tastte en luisterde ik voorbij mijn sifon met de bel als geluidsversterker.

    Sommigen beweren dat er muziek te horen is tussen de sterren – het ademen van zwarte gaten.

    Dit is niet wat ik heb gehoord, maar ik zal niet in onnodige details of beschrijvingen treden.

    Het sanitair zal zijn geheimen bewaren, ik ga verder met het oplossen van andere puzzels.

    Om de tijd te doden, vouwde ik het papier van een van de brieven van mijn lezer tot een vliegtuigje en stuwde het uit mijn zolderraam, het hoogste punt waarover ik beschikte.

    Ik hoopte dat de vlucht verder zou gaan dan het kanaal.

    Aanvankelijk ging alles goed en filosofeerde ik over de tegenstrijdigheid dat mijn schrijven veel beter vloog dan mijn woorden.

    Een meeuw onderbrak mijn gedachten, verscheen uit het niets en verzwolg mijn hele vliegtuig met een woeste snavel.

    Ik wist dat vogels jaloerse wezens zijn, maar ik wist niet dat ze jaloers genoeg waren om literatuur aan te vallen.

    Utrecht, voor een verhandeling over de vervaardiging van aardappelkatapulten

    aardappel die vliegt, meeuw die opstijgt

  • René Gori et l’autopsie du passé

    J’ai toujours hésité à porter la cravate, car je trouve que ça confère un air sérieux.

    Devant la difficulté de choisir la couleur, j’ai renoncé.

    C’est vrai à la fin, avec un rouge profond on n’a pas la même tête qu’avec un vert militaire et le bleu s’accorde difficilement avec mes yeux qui sont d’une teinte turquoise et fragile.

    J’ai exactement le même problème avec les nœuds papillon, en conséquence je veille à conserver une tenue décontractée, alors les gens me regardent toujours comme si j’avais quatorze ans.

    C’est un bel âge, quatorze ans, c’est la période durant laquelle j’ai découvert les libellules tam-tam en allant observer les grenouilles qui sommeillent au fond des étangs (voir ma chronique du 26 octobre 2022).

    Je m’étais lié d’amitié avec l’une de ces demoiselles volantes, Josepha.

    Elle était mignonne et d’un vrombissement agréable, s’amusait à tourner autour de moi, apparaissant et disparaissant selon la lumière.

    Elle babillait comme une sauterelle et savait tout des histoires secrètes de la plaine et des champs d’orge et de malt.

    En ce temps-là, je ne vivais pas encore à Utrecht et la vie était facile pour un jeune garçon comme moi.

    Dans le village, personne n’avait la télévision, alors chaque soir de beau temps, les gens tiraient une chaise sur la rue et babillaient jusqu’au premier froid.

    Josepha, posée discrètement sur mon épaule, écoutait les murmures échangés.

    Lors de mon dernier passage sur le territoire de mon enfance, la plaine était une seule et grande culture de maïs.

    Les rues du village étaient vides et aux fenêtres, brillaient par intermittence, les éclats froids du reflet des téléviseurs.

    Utrecht, au Muséum d’histoire naturelle devant le corps d’une libellule épinglée sur du Sagex

    téléviseur, porte ouverte sur malheurs

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de autopsie van het verleden

    Ik heb altijd terughoudend geweest om een das te dragen omdat ik denk dat het een serieuze uitstraling geeft.

    Maar ik vond het moeilijk om een kleur te kiezen, dus gaf ik het op.

    Het is waar, uiteindelijk ziet een diep rood er niet hetzelfde uit als een militair groen en blauw past niet goed bij mijn ogen, die een breekbare turquoise kleur hebben.

    Ik heb precies hetzelfde probleem met strikjes, dus ik zorg ervoor dat ik het casual houd, zodat mensen me altijd aankijken alsof ik veertien ben.

    Veertien is een geweldige leeftijd, het is toen ik tam-tam libellen ontdekte door naar de kikkers te gaan kijken die op de bodem van de vijvers sliepen (zie mijn column van 26 oktober 2022).

    Ik sloot vriendschap met een van deze vliegende waterjuffers, Josepha.

    Ze was schattig en had een aangenaam zoemend geluid. Ze vermaakte zich door om me heen te cirkelen, verschijnend en verdwijnend afhankelijk van het licht.

    Ze kletste als een sprinkhaan en wist alles over de geheime verhalen van de vlakte en de gerst- en moutvelden.

    In die tijd woonde ik nog niet in Utrecht en was het leven gemakkelijk voor een jonge jongen als ik.

    In het dorp had niemand een televisie, dus elke mooie avond trokken de mensen een stoel op straat en kletsten tot de eerste kou.

    Josepha, die discreet op mijn schouder rustte, luisterde naar het geroezemoes.

    Toen ik het land van mijn jeugd voor het laatst bezocht, was de vlakte één groot korenveld.

    De straten van het dorp waren leeg en de koude schittering van de reflectie van televisietoestellen scheen af en toe uit de ramen.

    Utrecht, in het Natuurhistorisch Museum, voor het lichaam van een libel vastgepind op geëxpandeerd polystyreen

    het televisietoestel is de open deur naar ongeluk

  • René Gori et la danse de la girafe

    Le banc donnant sur la rive d’en face est le promontoire d’une déception renouvelée, car je reste seul avec le nez sur les nénuphars qui dérivent au fil du courant.

    Refusant de me désagréger, je me réfugie dans la nostalgie des souvenirs, et ceux-ci, éveillant des joies enfantines, redonnent de la cohérence à ma vie.

    J’étais jeune et n’avais pas encore de casquette de contrôleur. Je portais une culotte courte avec trois boutons sur la braguette, toujours difficiles à défaire dans les moments pressants.

    Depuis quarante jours, il ne pleuvait plus, une sécheresse rare.

    Ma grand-mère, une femme lourdaude vêtue de gris, un visage avec des oreilles plaquées comme les branchies d’une truite, vint me prendre pour me mener au zoo.

    Elle tenait un petit électrophone à piles et le disque d’Elvis Presley : Love me tender.

    L’entrée des adultes coûtait trois francs, ce qui n’était pas une somme négligeable à l’époque, mais pour moi, vu mon âge, c’était gratuit.

    Elle m’entraîna directement vers l’enclos des girafes, me déposa sur le rebord d’un talus et me souffla en souriant qu’elle allait m’apprendre la seule manière de faire revenir la pluie.

    Une girafe curieuse nous regardait, grand-mère plaça le disque sur l’appareil et l’enclencha en ajustant le volume au plus fort.

    Sur la musique, l’animal esquissa des pas de danse, puis cédant à la folie, cela devint une bacchanale d’une élégance rare.

    Le morceau n’était pas terminé qu’il pleuvait déjà à gros bouillons.

    Pour les temps à venir, il me semble nécessaire d’adopter une girafe et de me munir de l’intégrale d’Elvis, on ne sait jamais, je pourrais en avoir besoin, mais je devrai changer l’aiguille de mon tourne-disque et rehausser la barrière de mon jardin.

    Utrecht, devant la porte close du zoo

    l’été se débine, les girafes patinent

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de giraffedans

    De bank aan de overkant is het voorgeborchte van een nieuwe teleurstelling, want ik blijf alleen achter met mijn neus op de waterlelies die met de stroom meedrijven.

    Weigerend om uiteen te vallen, neem ik mijn toevlucht tot de nostalgie van de herinneringen, en deze, kinderlijke vreugden wakker makend, geven mijn leven weer samenhang.

    Ik was jong en had nog geen controleurspet. Ik droeg een korte broek met drie knopen op de gulp, altijd moeilijk los te maken in dringende momenten.

    Het had al veertig dagen niet geregend, een zeldzame droogte.

    Mijn grootmoeder, een zware vrouw in het grijs gekleed, haar gezicht met afgeplatte oren als de kieuwen van een forel, kwam me naar de dierentuin brengen.

    Ze had een kleine platenspeler op batterijen en Love me tender van Elvis Presley bij zich.

    De toegang voor volwassenen was drie frank, wat in die tijd geen klein bedrag was, maar voor mij, die nog jong was, was het gratis.

    Ze nam me meteen mee naar het giraffenverblijf, zette me neer op de rand van een bank en glimlachte terwijl ze me vertelde dat ze me de enige manier ging leren om het weer te laten regenen.

    Een nieuwsgierige giraffe keek naar ons, dus zette oma de plaat op het apparaat en zette het volume harder.

    Op de muziek deed het dier enkele danspasjes, en toen gaf het toe aan de waanzin, het werd een bacchanaal van zeldzame elegantie.

    Het stuk was nog niet afgelopen toen het al hevig regende.

    Voor de komende tijd lijkt het me noodzakelijk een giraffe te adopteren en de Elvis-set mee te nemen, je weet maar nooit, misschien heb ik hem nodig, maar dan moet ik wel de naald van mijn platenspeler verwisselen en het hek in mijn tuin verhogen.

    Utrecht, voor de gesloten deur van de dierentuin

    de zomer is voorbij, de giraffen zijn aan het schaatsen

  • René Gori et la vis perdue

    Certains se souviennent… La semaine dernière, j’avais entrepris le démontage et la réparation de mon aspirateur.

    Tout s’était déroulé parfaitement, mais je n’avais pas trouvé la cause de sa défaillance, écueil m’obligeant à demander l’assistance d’un pays neutre.

    Dans l’intervalle, une journaliste de « de Utrechtse Courant » (la gazette d’Utrecht), m’a contacté afin d’expliquer mes intentions à propos de la consultation populaire concernant la tache de rouille sur ma barrière.

    J’avais complètement oublié cette histoire et j’espère qu’avec la pluie de ces derniers jours, la situation ne s’est pas aggravée.

    Ne sachant que répondre, je lui ai recommandé de consulter le lampadaire philosophe (voir ma chronique du 14 décembre 2022), luminaire qui aurait, de toute façon, un point de vue éclairé sur les questions démocratiques.

    J’ai raccroché le téléphone avant de m’apercevoir qu’il manquait une vis à mon ustensile en réparation.

    Je l’ai cherché partout sans la trouver et j’ai dû me rendre à l’évidence, mon aspirateur ne serait jamais plus un aspirateur.

    Passablement troublé, muni de ma casquette de contrôleur, j’ai été m’asseoir sur mon banc, celui au bord du canal, et je regarde vers l’autre rive en espérant que la femme de l’autre jour s’installe en face de moi et laisse fleurir son sourire.

    Utrecht, avec la tristesse des choses irréparables

    il ne faut pas se moquer des choses inutiles

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de verloren schroef

    Sommigen van jullie weten het misschien nog… Vorige week had ik mijn stofzuiger gedemonteerd en gerepareerd.

    Alles verliep perfect, maar ik kon de oorzaak van het falen niet vinden, zodat ik hulp moest vragen aan een neutraal land.

    Intussen nam een journalist van « de Utrechtse Courant » contact met mij op om mijn bedoelingen uit te leggen in verband met de volksraadpleging over de roestvlek op mijn hek.

    Ik was het helemaal vergeten en ik hoop dat met de regen van de afgelopen dagen de situatie niet verslechterd is.

    Omdat ik niet wist wat ik moest zeggen, raadde ik hem aan de filosoof lantaarnpaal te raadplegen (zie mijn column van 14 december 2022), een helderziende die in ieder geval een verlichte kijk zou hebben op democratische kwesties.

    Ik hing de telefoon op voordat ik me realiseerde dat mijn te repareren gebruiksvoorwerp een schroef miste.

    Ik zocht er overal naar maar kon hem niet vinden en moest onder ogen zien dat mijn stofzuiger nooit meer een stofzuiger zou zijn.

    Nogal gestoord, met de pet van mijn controleur op, ging ik op mijn bank zitten, die aan het kanaal, en ik kijk naar de andere bank in de hoop dat de vrouw van laatst voor me gaat zitten en haar glimlach laat opbloeien.

    Utrecht, met het verdriet van onherstelbare dingen

    men moet geen grappen maken over nutteloze dingen

  • René Gori et l’aspirateur cacochyme

    Utrecht n’est pas une ville à la propreté légendaire, certes moins crasseuse que Paris, mais pas aussi impeccable que les insipides villes helvétiques.

    Durant ma jeunesse, souffrant d’une anomalie pulmonaire, ma famille et un organisme caritatif me permirent de séjourner sur une montagne suisse dans une ville au nom imprononçable.

    Accueilli par des gens adorables, incapables de la moindre méchanceté comme de toute décision, j’en revins un peu plus gras, mais tout autant malade.

    Aujourd’hui, mon aspirateur est dans un état similaire à celui du corps malingre de ma jeunesse.

    Face à la dégradation de cet ustensile ménager, j’ai entrepris le décrassage du filtre et le vidage du sac à poussière, resserré les bornes électriques du moteur à charbon et vérifié qu’il n’y avait pas de bouchon dans le tuyau, sans rien diagnostiquer de significatif.

    Doutant que mon assurance accepte qu’il passât par un examen radiographique, ou mieux une IRM, image de résonance magnétique, j’ai pris contact avec le consulat du petit pays montagneux afin d’obtenir un séjour réparateur à mon aspirateur.

    Le fonctionnaire diplomatique m’a fait remarquer que je ne manquais pas de souffle, ce qui est vrai depuis ma guérison, il a continué en affirmant gentiment qu’une réponse me parviendrait sous peu.

    J’attends avec impatience.

    Utrecht, en espérant réussir à remonter mon appareil domestique

    on ne remonte pas le cours de sa vie sans mode d’emploi

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de cacochymische stofzuiger

    Utrecht is geen stad van legendarische netheid, zeker minder smerig dan Parijs, maar niet zo onberispelijk als de smakeloze Zwitserse steden.

    In mijn jeugd, lijdend aan een longaandoening, mocht ik van mijn familie en een liefdadigheidsinstelling verblijven op een Zwitserse berg in een stad met een onuitspreekbare naam.

    Verwelkomd door lieve mensen, niet in staat tot de minste kwaadaardigheid of beslissing, keerde ik iets dikker, maar even ziek terug.

    Vandaag is mijn stofzuiger in een soortgelijke staat als het ziekelijke lichaam van mijn jeugd.

    Geconfronteerd met de aftakeling van dit huishoudtoestel heb ik het filter gereinigd en de stofzak geleegd, de elektrische klemmen van de koolmotor aangedraaid en gecontroleerd op een verstopping in de slang, zonder iets noemenswaardigs te constateren.

    Twijfelend of mijn verzekeringsmaatschappij zou instemmen met een röntgenfoto, of beter nog een MRI, magnetische resonantiebeeld, nam ik contact op met het consulaat van het kleine bergland om mijn stofzuiger te laten repareren.

    De diplomatieke functionaris wees me erop dat ik niet kortademig was, wat sinds mijn herstel ook zo is, en zei verder vriendelijk dat er binnenkort een antwoord zou komen.

    Ik kijk ernaar uit.

    Utrecht, in de hoop mijn huishoudelijk apparaat weer in elkaar te zetten

    je kunt je leven niet veranderen zonder een handleiding.

  • René Gori et les habits gris

    Dans la rue la plus clinquante d’Utrecht, trône le musée officiel de l’art moderne, un bâtiment carré sans fenêtres avec l’apparat lisse d’un empilement de plaques en marbre noir : « Le Collapse  Muséum », le LCM pour les habitués.

    Je dispose d’un sens aigu de l’abstraction et je sais parfaitement réaliser des œuvres modernes établies par des concepts émergeant de la part vide et sombre de mon être, car j’ai la prétention de l’artiste autodidacte et accompli.

    Récemment, sûr de la qualité de mon dernier travail expérimental, je me suis présenté en exigeant de rencontrer la personne chargée des expositions.

    À force d’insistance, on m’a admis dans le bunker de la cheffe de service du bureau de la prospective des acquisitions à venir, soit la personne la plus importante du domaine de l’art dans notre ville, bien sûr, après le ministre.

    Sous une lumière triste et électrique, cette femme à la tenue impeccable me toise depuis son siège, alors seulement je remarque son âge et ses habits gris.

    Dans la pièce flotte une odeur appartenant déjà au passé, un effluve entre le Chanel et la naphtaline.

    Utrecht, avec la nostalgie des peintures d’Abraham Bloemaert 

    belle fourrure ne fait pas beau lapin

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de grijze kleren

    In de meest glimmende straat van Utrecht staat het officiële museum voor moderne kunst, een vierkant gebouw zonder ramen en getooid met het gladde uiterlijk van een stapel zwarte marmeren platen: « Het instortingsmuseum », het HIM voor de stamgasten.

    Ik heb een sterk gevoel voor abstractie en ben heel goed in het maken van moderne werken op basis van concepten die voortkomen uit het lege en donkere deel van mijn wezen, want ik heb de pretentie van de autodidact en de volleerde kunstenaar.

    Onlangs heb ik, zeker van de kwaliteit van mijn laatste experimentele werk, mezelf voorgesteld en geëist de verantwoordelijke voor de tentoonstellingen te ontmoeten.

    Door aandringen werd ik toegelaten tot de bunker van het hoofd van de afdeling voor toekomstige aankopen, de belangrijkste persoon op het gebied van kunst in onze stad, natuurlijk, na de minister.

    Onder een triest, elektrisch licht staart deze onberispelijk geklede vrouw mij aan vanaf haar stoel, pas dan vallen mij haar leeftijd en haar grijze kleding op.

    De kamer ruikt naar iets uit het verleden, iets tussen Chanel en mottenballen in.

    Utrecht, met de nostalgie van de schilderijen van Abraham Bloemaert

    mooie vacht maakt nog geen mooi konijn

  • René Gori et la lucidité républicaine

    La réunion populaire à propos de la rénovation de ma barrière a été une déception.

    J’ai fermé la salle, payé l’émolument demandé et rendu les clefs au concierge.

    Heureusement, il m’a fait cadeau du nettoyage, car personne n’était venu.

    Aujourd’hui, tout change, c’est jour de décision, il y a un petit soleil, ni agressif ni discret.

    J’ai installé une table sur le devant de mon jardin, avec un peu d’ironie je dois dire, exactement à côté de la tache de rouille.

    Sur le meuble, il y a une urne, deux stylographes et des feuilles de papier permettant aux votants d’inscrire leurs choix.

    J’espère avoir assez de bulletins vierges, car le scrutin est ouvert de 9h jusqu’à 17h.

    À la base de la barrière, dans l’ombre du longeron, il y a une colonne de fourmis qui déambulent en transbahutant les brindilles, les fruits ou les insectes qui garniront le garde-manger de la fourmilière.

    J’observe avec plaisir, je m’abandonne à la contemplation, suis fasciné par l’élégance cinétique de cette foule en mouvement, cette myriade d’êtres minuscules qui accomplissent leur tâche avec gravité.

    Je me dis qu’elles sont les citoyennes d’une monarchie communiste, ayant une reine, mais partageant tout, ayant des fonctions, mais pas de grades. 

    Que la vie doit être paisible à hauteur de mandibules.

    Puis voilà, j’ai froid aux pieds, le soleil a tourné.

    Au clocher, celui qui est de l’autre côté du canal, il commence à sonner cinq.

    C’est la dernière seconde, rapidement, je vote, le tintement se dilue dans le silence et je publie les résultats.

    En pourcentage, le taux d’abstention frôle les 100%, mais le 100% des votants ont choisi, le coup de brosse métallique, l’application de l’anticorrosif et laissé la liberté de la couleur, pour autant que cela soit uniforme.

    Les travaux peuvent commencer.

    Utrecht, en préparant une bassine d’eau chaude pour mes pieds

    une voix est une voie

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de republikeinse luciditeit

    De populaire vergadering over de renovatie van mijn poort was een teleurstelling. Ik sloot de kamer af, betaalde de vergoeding en gaf de sleutels terug aan de conciërge.
    Gelukkig gaf hij me het cadeau om schoon te maken, want er was niemand gekomen.
    Vandaag verandert alles, het is een dag van beslissing, er is een beetje zon, agressief noch discreet. Ik zet een tafel vooraan in mijn tuin, ietwat ironisch moet ik zeggen, vlak naast de roestvlek. Op de kast staat een stembus, twee pennen en vellen papier voor de kiezers om hun keuzes op te schrijven. Ik hoop voldoende blanco stembiljetten te hebben, want er kan gestemd worden van 9 tot 17 uur.
    Aan de voet van het hek, in de schaduw van de spar, loopt een colonne mieren rond, op zoek naar takjes, fruit of insecten die de voorraadkast van de mierenboerderij zullen vullen.
    Ik observeer met plezier, ik laat me over aan contemplatie, ik ben gefascineerd door de kinetische elegantie van deze bewegende menigte, deze myriade van kleine wezentjes die hun taak volbrengen met de zwaartekracht. Ik vertel mezelf dat zij burgers zijn van een communistische monarchie, die een koningin hebben, maar alles delen, functies hebben, maar geen rangen.
    Dat het leven vredig moet zijn op kaakniveau. En dan, mijn voeten worden koud, de zon is gedraaid. Bij de klokkentoren, die aan de andere kant van het kanaal, begint hij vijf te luiden. Het is de laatste seconde, snel, ik stem, het gerinkel verwatert in de stilte en ik maak de uitslag bekend.
    Procentueel gezien is het onthoudingspercentage bijna 100%, maar 100% van de stemmers kiest voor de draadborstelstreek, het aanbrengen van het anti-corrosief en laat de vrijheid van de kleur, zolang die maar gelijkmatig is. Het werk kan beginnen.

    Utrecht, die een bak met warm water voor mijn voeten klaarmaakt

    een stem is een manier

  • René Gori et la consultation populaire

    Plein d’ardeur, j’ai entamé la campagne d’information sur le délicat problème de ma barrière rouillée.

    J’ai distribué des tracts dans les différentes boîtes aux lettres de la rue et affiché l’annonce de la consultation à chaque coin du pâté de maisons.

    J’ai réservé la salle municipale, la petite, car soixante chaises devraient suffire.

    Je l’avoue, j’ai l’exaltation de la démocratie et je m’impatiente des controverses qui animeront nos soirées précédant le scrutin.

    Ne sachant pas moi-même vers quel côté penchera ma décision, je me suis entraîné devant le miroir de la salle de bain afin d’affuter mes arguments et de me contredire dans un sens, puis dans l’autre.

    J’ai envisagé la venue d’un expert spécialisé qui présenterait le problème selon des angles multiples, mais aucun ne m’a convaincu de sa compétence.

    L’un m’a fait parvenir une impression sur papier de ce qui se nomme dans un ordinateur : tableur.

    Une image d’une laideur impressionnante, mais dont il a vanté l’efficacité et m’a assuré qu’elle était utilisée fréquemment par les décideurs.

    L’attente est insoutenable, alors je me repose sur le rêve oublié d’une hirondelle disparue à la fin de l’été passé.

    Un œuf desséché et abandonné sur le rebord du toit, la coque perforée de quelques coups de bec, petits trous de passoire, mais dont le locataire n’a jamais pu s’évader.

    Utrecht, avec le regret des oiseaux qui ne voleront jamais

    dans le ciel, il n’y a pas d’autruches heureuses

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de volksraadpleging

    Vol enthousiasme begon ik aan de campagne om mensen te informeren over het delicate probleem van mijn roestige schutting.

    Ik deelde folders uit in de verschillende brievenbussen in de straat en plakte de aankondiging van het overleg op elke hoek van het blok.

    Ik boekte het gemeentehuis, het kleine, omdat zestig stoelen zouden moeten volstaan.
    Ik geef toe dat ik enthousiast ben over democratie en de controverses die onze avonden voor de stemming zullen animeren.

    Omdat ik zelf niet wist welke kant mijn besluit op zou gaan, oefende ik voor de badkamerspiegel om mijn argumenten aan te scherpen en mezelf nu eens de ene, dan weer de andere kant op te spreken.

    Ik overwoog een gespecialiseerde deskundige in te schakelen die het probleem vanuit verschillende invalshoeken zou belichten, maar niemand overtuigde mij van zijn bekwaamheid.

    Eentje stuurde me een uitdraai van een zogenaamde spreadsheet in een computer.
    Een indrukwekkend lelijk beeld, maar een die hij prees om zijn efficiëntie en me verzekerde dat het vaak gebruikt werd door besluitvormers.

    Het wachten is ondraaglijk, dus rust ik op de vergeten droom van een zwaluw die eind vorige zomer verdween.

    Een uitgedroogd ei achtergelaten op de rand van het dak, de schaal doorboord met een paar pikken, kleine zeefgaatjes, maar waarvan de bewoner nooit is ontsnapt.

    Utrecht, met de spijt van vogels die nooit zullen vliegen

    in de lucht, zijn er geen gelukkige struisvogels

  • René Gori et la grande rouille

    Il y a peu, m’interrogeant sur le monde et les conséquences du non-respect des contingences, j’étais tombé sur une grande tache de rouille s’attaquant à l’un des montants de la barrière protégeant mon jardin des intrusions.

    Ce défaut est la prémisse de l’effondrement à venir, car chacun sait que l’oxydation du fer est l’acte initial de la déstructuration de la matière.

    Le gratte-ciel le plus gigantesque et le plus massif du monde ne peut résister à la gravité, si dans ses fondations et l’enrobement du béton, le métal se désagrège.

    À l’évidence, je me dois d’intervenir, de faire usage d’une brosse métallique et d’appliquer une peinture anticorrosion.

    Le problème, avec ce traitement, c’est qu’une différence notable apparaitra, rendant singulier ledit montant qui se retrouvera déparé en regard des autres.

    La solution serait de le repeindre, mais s’il est le seul à être garni de retouches, les autres en prendront ombrage, et les quidams déambulant devant la barrière se demanderont  : qu’est-ce que cela ?

    Le plus sûr serait de tout repeindre, solution onéreuse, mais envisageable.

    Mais… Si la couleur ne plait pas aux passants, je serai la risée de tout le quartier et ma réputation en sera entachée, déjà que quelques citoyens me prennent pour un excentrique.

    Le mieux sera, je crois, d’organiser une consultation populaire sur la meilleure façon d’entretenir une barrière et d’obtenir le plus consensuel choix de la couleur.

    Utrecht, après une nuit d’insomnie à cause de ma barrière

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de grote roest

    Niet zo lang geleden, terwijl ik mij verwonderde over de wereld en de gevolgen van het niet in acht nemen van toevalligheden, stuitte ik op een grote roestvlek op een van de palen van het hek dat mijn tuin beschermt tegen indringers.

    Dit defect is de voorbode van de komende instorting, want iedereen weet dat de oxidatie van ijzer de eerste daad is om de materie te destructiveren.

    De meest gigantische en massieve wolkenkrabber ter wereld kan de zwaartekracht niet weerstaan als het metaal in de fundering en de betonlaag uiteenvalt.

    Uiteraard moet ik ingrijpen, een staalborstel gebruiken en anti-corrosieverf aanbrengen.

    Het probleem met deze behandeling is dat er een merkbaar verschil ontstaat, waardoor de genoemde paal zich onderscheidt van de andere.

    De oplossing zou zijn om hem opnieuw te schilderen, maar als hij de enige is die wordt geretoucheerd, zullen de anderen aanstoot nemen, en mensen die langs het hek lopen zullen zich afvragen: wat is dit?

    Het veiligste zou zijn om alles opnieuw te schilderen, wat een dure maar haalbare oplossing is.

    Maar… Als de kleur de voorbijgangers niet aanspreekt, word ik het lachertje van de hele buurt en wordt mijn reputatie aangetast, want sommige burgers vinden me nu al excentriek.

    Het beste zou zijn, denk ik, om een volksraadpleging te organiseren over de beste manier om een hek te onderhouden en de meest consensuele kleurkeuze te verkrijgen.

    Utrecht, na een slapeloze nacht vanwege mijn slagboom

  • René Gori et les galopades poétiques

    Ce que j’aime dans les barrières, c’est la rigueur et la régularité des montants.

    Elles pourraient céder à la facilité et considérer qu’une fantaisie, qu’un pilier plus haut que les autres, qu’une couleur différente peinturlurant une section restreinte ou qu’une forme variant selon l’orientation, leur permettraient une singularité attirant l’attention des quidams.

    J’ai toujours estimé qu’il était nécessaire de maintenir une cohérence indéfectible dans le mobilier urbain afin de garantir la stabilité d’une société.

    Les cercles conservateurs affirment que le port de la cravate ou l’exigence de l’uniforme à l’école empêchent les esprits malléables de dériver vers des errements utopiques ou des galopades poétiques non normées.

    L’art, comme les barrières, doit être empreint du respect des règles et d’une grammaire ne se laissant pas aller à l’excentricité et au farfelu.

    L’art doit être de son temps, validé par l’académie et le clergé des artistes reconnus.

    Imaginez le bordel que ça serait, si un hurluberlu se mettait à créer par lui-même ?

    Utrecht, dubitatif devant une tache de rouille apparue inopinément

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de poëtische galopades

    Wat ik leuk vind aan hekken is de strengheid en regelmaat van de palen.

    Ze zouden kunnen toegeven aan de gemakkelijke weg en denken dat een fantasie, dat een pilaar hoger is dan de andere, dat een andere kleur een beperkt deel schildert of dat een vorm varieert naargelang de oriëntatie, hen een eigenheid zou geven die de aandacht van de quidams trekt.
    Ik heb altijd geloofd dat het noodzakelijk is een onwrikbare samenhang in het straatmeubilair te handhaven om de stabiliteit van een samenleving te waarborgen.

    In conservatieve kringen wordt beweerd dat het dragen van een das of het verplicht stellen van een uniform op school voorkomt dat kneedbare geesten afdwalen naar utopische dwalingen of niet-standaard poëtische galopjes.

    Kunst moet, net als barrières, gekenmerkt worden door respect voor regels en een grammatica die geen ruimte laat voor excentriciteit en excentriciteit.

    Kunst moet van zijn tijd zijn, gevalideerd door de academie en de geestelijkheid van erkende kunstenaars.

    Stel je voor wat een puinhoop het zou zijn als een of andere mafkees zelf aan de slag zou gaan?

    Utrecht, twijfelend over een onverwachte roestvlek

  • René Gori et le mystère des trains antihoraire

    Aujourd’hui, dans ma boîte aux lettres, un courrier synthétique, mais empathique, notifiait que mon offre spontanée au poste d’expert en expertise, selon l’agence pour l’emploi, ne pouvait être retenue malgré mes excellentes références.

    L’univers bureaucratique ne peut percevoir l’indéniable apport qu’apporterait ma participation au système, alors je me contenterai d’observer sa déliquescence inévitable.

    Je me suis demandé si la courbure des rails des chemins de fer était identique sur l’ensemble du réseau ou si des variations significatives étaient constatées selon l’inclinaison des parcours.

    Est-ce que la rotondité de la terre avait une influence sur les tracés ?

    Galilée, s’étant écrié, je cite : – Elle tourne.

    Pouvons-nous en déduire que la terre ne pivotait pas sur elle-même avant cette assertion ?

    Le mystère demeure, faute de témoignages antérieurs à cette découverte, reste la question du sens de rotation et de son influence.

    Peut-on considérer qu’un train antihoraire aurait plus de chance d’accumuler des retards que son homologue horaire ?

    Qu’un train antihoraire circulant sur l’équateur devrait rouler plus vite qu’un antihoraire et polaire pour arriver en même temps à destination ?

    Qu’un train antihoraire consomme plus d’énergie qu’un train horaire sur un même parcours ?

    Voilà bien des mystères auxquels je compte m’atteler ces prochains mois à l’aide d’une maquette ferroviaire et d’une mappemonde.

    Utrecht, devant la vitrine d’un magasin de jouets

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en het mysterie van de treinen tegen de klok in

    Vandaag lag er in mijn brievenbus een synthetische maar empathische brief met de mededeling dat mijn ongevraagde aanbod voor de functie van expert in expertise volgens het uitzendbureau niet kon worden aanvaard, ondanks mijn uitstekende referenties.
    Het bureaucratische universum kan de onmiskenbare bijdrage die mijn deelname aan het systeem zou leveren niet waarnemen, dus zal ik gewoon het onvermijdelijke verval ervan gadeslaan.
    Ik vroeg me af of de kromming van de spoorstaven op het hele netwerk identiek was of dat er aanzienlijke verschillen waren, afhankelijk van de helling van het traject.
    Heeft de rondheid van de aarde de routes beïnvloed?
    Galileo zei, en ik citeer: « Het draait.
    Kunnen we hieruit afleiden dat de aarde vóór deze bewering niet op zichzelf draaide?
    Het mysterie blijft, bij gebrek aan bewijs vóór deze ontdekking, de vraag naar de draairichting en de invloed daarvan.
    Kunnen we ervan uitgaan dat een trein tegen de klok in meer vertragingen oploopt dan zijn tegenhanger op uurbasis?
    Dat een trein tegen de klok in op de evenaar sneller zou moeten rijden dan een trein tegen de klok in en op de polen om zijn bestemming op hetzelfde tijdstip te bereiken?
    Dat een trein tegen de klok in meer energie verbruikt dan een trein per uur op hetzelfde traject?
    Dit zijn enkele van de mysteries die ik de komende maanden wil aanpakken met behulp van een modelspoorbaan en een wereldkaart.

    Utrecht, voor de etalage van een speelgoedwinkel

  • René Gori et les tarabiscottes incompréhensibles

    Il ne va pas de soi de considérer la vie comme résolument rigolote ou parfaitement triste.

    Toutefois, je me crois en droit de faire valoir la possibilité de l’existence de zones grises, à la fois, ni drôles, ni larmoyantes.

    Une sorte de limbes où erreraient la majorité des gens ternes qui peuplent les cabinets d’experts.

    J’affirme que l’expert, par nature, ne dispose pas des propriétés nécessaires à paraître net.

    Sa fonction est d’ériger du flou comme rempart à l’incertitude, d’émettre avec sureté des jugements au « tarabiscottement » incompréhensible.

    La profession requiert une rigueur, une formation, un sens de la communication, bref des qualités hors du commun.

    Modestement, j’ai décidé de postuler.

    Utrecht, au guichet de l’agence pour l’emploi

    note personnelle : selon un éminent linguiste, les tarabiscottes tombent toujours sur le côté confiture

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de onbegrijpelijke tarabiscuits

    Het is niet vanzelfsprekend om het leven te beschouwen als resoluut grappig of volmaakt triest.

    Toch meen ik te mogen pleiten voor de mogelijkheid van het bestaan van grijze gebieden die noch grappig noch treurig zijn.

    Een soort voorgeborchte waar de meerderheid van de saaie mensen die de kantoren van de deskundigen bevolken, zouden ronddwalen.

    Ik beweer dat de deskundige van nature niet de nodige eigenschappen bezit om netjes over te komen.

    Zijn functie is om vaagheid op te werpen als bolwerk tegen onzekerheid, om met vertrouwen uitspraken te doen die onbegrijpelijk zijn.

    Het beroep vereist nauwgezetheid, training, gevoel voor communicatie, kortom buitengewone kwaliteiten.

    Bescheiden besloot ik te solliciteren.

    Utrecht, aan de balie van het uitzendbureau

  • René Gori et la casquette de contrôleur

    Chez les canards, les couples s’étreignent par les plumes et virevoltent sur le dessin des cercles concentriques balisant les eaux calmes et les rives désertes.

    Passant devant la vitrine d’un antiquaire, j’ai remarqué et acheté une casquette de contrôleur.

    Aimablement, le marchand m’a offert la machine à faire les trous dans les billets, et je suis allé me promener sur le sentier d’un canal bordant la grande usine électrique à charbon.

    Les volutes s’échappaient de la cheminée et tourbillonnaient à cause du vent du nord.

    Comme il faisait froid, j’ai sorti la casquette de mon sac à dos et je l’ai posée sur mon crâne dégarni.

    Tout de suite, je me suis senti mieux, comme si j’avais soudainement de l’importance et je me suis assis sur un banc, rassuré de l’utilité de ma présence sur terre.

    En face, de l’autre côté de l’eau, une femme seule patientait sur un banc similaire au mien.

    Nous nous sommes regardés et nous avons souri… Elle a tourné la tête… Alors, je me suis demandé :

    – Les femmes solitaires sont-elles émues par les hommes solitaires ?

    Utrecht, transports et émois publics

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de hoed van de controleur

    Tussen de eenden omhelzen paartjes elkaar bij de veren en draaien rond het patroon van concentrische cirkels dat het kalme water en de verlaten kusten markeert.

    Toen ik voor de etalage van een antiekwinkel liep, zag ik een controleurspet en kocht die.

    De winkelier bood me vriendelijk de kaartjesmachine aan, en ik maakte een wandeling langs het pad van een kanaal dat grenst aan de grote kolencentrale.

    De rookslierten kwamen uit de schoorsteen en dwarrelden in de noordenwind.

    Het was koud, dus nam ik de pet uit mijn rugzak en zette hem op mijn kale hoofd.

    Meteen voelde ik me beter, alsof ik ineens belangrijk was, en ik ging op een bankje zitten, gerustgesteld over het nut van mijn aanwezigheid op aarde.

    Aan de overkant van het water zat een eenzame vrouw op een soortgelijk bankje als het mijne te wachten.

    We keken elkaar aan en glimlachten… Ze draaide haar hoofd om… Toen vroeg ik me af:

    • Worden eenzame vrouwen bewogen door eenzame mannen?

    Utrecht, vervoer en publieksevenementen

  • René Gori et la volatilisation du guichet de la Nederlandse Spoorwegen

    Très intrigué par le billet de la rédaction du Gorilla Zeitung, j’ai décidé de me rendre à la gare d’Utrecht (Utrecht-Central) afin de vérifier ces assertions.

    Muni d’un plan, d’un urinoir et d’une boussole, j’ai parcouru la ville de long en large à la recherche des voies de chemin de fer, car, comme chacun le sait, tous les rails mènent aux gares.

    Hélas, ayant découvert et suivi une voie et quelques poteaux à caténaires, je constatai qu’il y avait dans un sens, un centre commercial, ses fast-foods, des cafés dans des gobelets en carton, une boutique de bibelots américains, des hamburgers multicouches et un parking à vélo, et dans l’autre, progressant jusqu’à Breukelen et la Nyenrode Business Universiteit, une tranchée à détritus bordée d’étang et de nichoirs à canards.

    Demeure cette énigme : si les gares ont disparu laissant la place à des boutiques, mais d’où viennent donc les trains et leurs voyageurs ?

    Ceux qui, avec un bruit infernal, ont manqué de me renverser à plusieurs reprises ce jour-là… Et sans aucune délicatesse.

    Parfois, je me demande si je ne vis pas dans un monde factice, entouré par des milliers de figurants prenant leur rôle très au sérieux et répondant toujours par la négative quand je leur demande si je suis le héros d’une télé-réalité.

    Demain, je vérifierai si les téléphériques existent.

    A la cave, j’ai un piolet, et des chaussures de marche au grenier.

    Utrecht, transports et émois publics

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de verdwijning van het loket van de Nederlandse Spoorwegen

    Ik was zeer geïntrigeerd door het bericht van de Gorilla Zeitung en besloot naar Utrecht Centraal te gaan om deze beweringen te controleren.

    Gewapend met een kaart, een urinoir en een kompas liep ik door de hele stad op zoek naar de treinsporen, want, zoals iedereen weet, leiden alle sporen naar stations.

    Helaas, nadat ik een spoor en een paar bovenleidingpalen had ontdekt en gevolgd, ontdekte ik dat er in de ene richting een winkelcentrum was, met zijn fastfoodzaken, koffie in kartonnen bekers, een Amerikaanse snuisterijenwinkel, hamburgers in meerdere lagen en een fietsenstalling, en in de andere richting, op weg naar Breukelen en de Nyenrode Business Universiteit, een vuilnisbelt omzoomd met een vijver en eendenbakken.

    Het raadsel blijft: als de stations zijn verdwenen en vervangen door winkels, waar komen dan de treinen en hun passagiers vandaan?

    Degenen die me die dag met een hels kabaal meerdere keren bijna omver reden… En zonder enige fijngevoeligheid.

    Soms vraag ik me af of ik niet in een nepwereld leef, omringd door duizenden figuranten die hun rol heel serieus nemen en altijd ontkennend antwoorden als ik ze vraag of ik de held van een realityshow ben.

    Morgen ga ik kijken of er kabelbanen bestaan.

    In de kelder heb ik een ijsbijl, en op zolder heb ik wandelschoenen.

    Utrecht, vervoer en publieksevenementen

  • René Gori et le grésil sur les tuiles

    Cette nuit, j’ai beaucoup réfléchi à l’utilité des frigidaires en hiver et comme par miracle, ce matin, la neige recouvre les toits d’Utrecht.

    Ces meubles réfrigérants devraient être installés en extérieur durant la saison froide, quelque mois où ils seraient débranchés et permettraient d’indéniables économies.

    Le système serait simple, un rail suspendu, et il suffirait de pousser l’objet dehors par la fenêtre, puis, avec une ficelle, on le ferait revenir pour en retirer la crème à café ou les poissons panés.

    Un ingénieux bouton-pressoir enclencherait ou déclencherait l’électricité afin de ne pas garder la lumière bleue allumée inutilement à l’intérieur.

    En fait, il est facile d’améliorer la vie des gens avec un peu de bonne volonté.

    Utrecht, par –15° et du grésil sur les tuiles

    note personnelle : un bac à glace n’ouvre pas les portes de l’université

  • René Gori et la chauve-souris hydrocéphale

    Ce matin, très tôt, avant même que l’aurore se présente, je suis allé au grenier afin de m’enquérir de la santé de Daphné, mon amie chauve-souris hydrocéphale.

    La vie n’est pas simple pour elle, alors de temps en temps, je la réconforte en l’entretenant à propos des scores du championnat de criquets, les distances parcourues, la longueur des sauts et le pédigrée des meilleurs concurrents.

    Daphné m’a avoué en avoir dévoré quelques-uns à l’occasion de ses parties de chasse nocturne.

    Son hydrocéphalie est aggravée par le fait qu’elle dort à l’envers et qu’il n’y a pas d’autre façon de se reposer pour les cheiroptères, pattes en l’air, tête en bas.

    Pour l’instant, elle est très heureuse de ne pas avoir de troubles urinaires.

    Utrecht, dans la charpente grinçante

  • René Gori et les filaments de cristal

    Contrairement à une idée préconçue et largement répandue, la neige n’est pas le résultat de la congélation de la vapeur d’eau dans les hautes couches de l’atmosphère, mais bien un magnifique cadeau de la nature sidérale.

    Sur la face cachée de la lune, ce que les astronautes des missions Apollo successives n’ont jamais divulgué, il y a une immense « râpe à cratère » manipulée par deux géants sélénites qui trouvent leur plaisir à râper les rochers lunaires et fabriquer une délicieuse poussière, d’abord argentée, puis de plus en plus blanche en s’approchant de la terre.

    Très fatigués depuis quelques années, ils râpent de moins en moins, au grand désappointement des stations de montagne.

    Utrecht, couché sur le toit en compagnie de mon chat, regardant le firmament

    note personnelle : c’est beau, une otarie qui jongle avec la lune

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de kristalfilamenten

    In tegenstelling tot wat vaak wordt gedacht, is sneeuw niet het resultaat van het bevriezen van waterdamp in de bovenste atmosfeer, maar een prachtig geschenk van de siderische natuur.

    Aan de andere kant van de maan, die de astronauten van de opeenvolgende Apollo-missies nooit hebben onthuld, bevindt zich een enorme « kraterrasp » die wordt bediend door twee Seleniet-reuzen die er genoegen in scheppen de maanrotsen te raspen en er een heerlijke stof van te maken, eerst zilverachtig, dan steeds witter naarmate ze de aarde naderen.

    Ze zijn de laatste jaren erg moe, ze raspen steeds minder, tot grote teleurstelling van de bergresorts.

    Utrecht, liggend op het dak met mijn kat, kijkend naar de lucht

    persoonlijke noot: het is prachtig, een zeeleeuw die jongleert met de maan…

  • René Gori et les rivières des électrons

    La nuit, on éteint les lumières afin d’économiser quelques gouttes dans le flux ininterrompu de la rivière des électrons.

    À cause de cela, l’électricité sommeille dans les câbles comme le ferait une eau inerte dans un bras de rivière entravé.

    Durant ma jeunesse, j’avais entrepris des recherches sur la présence d’animaux capables de remonter le courant électrique à l’intérieur des fils de cuivre, à la manière des saumons, et d’atteindre le générateur afin de s’y reproduire.

    J’y étais parvenu, découvrant une sorte d’asphodèle (une fleur, mais avec une tête de coquelicot) munie de deux nageoires latérales et avançant par microbonds en contractant ce qui devait être le thorax.

    Je l’avais nommée : Utrechtus Thoraxus Coquelicotus

    À plusieurs reprises, j’ai proposé la publication de cette découverte à de nombreuses revues scientifiques, mais aucune ne donna suite à mon offre.

    Je me demande à ce jour, si cet animal extraordinaire sait survivre aux pénuries et coupures ?

    Utrecht, devant le gazomètre et ses fumerolles matinales

    note personnelle : chats et chaudières craignent l’eau froide

  • René Gori et le lampadaire philosophe

    L’autre jour dans ma rue, il y avait tant de brouillard que j’ai parlé à un lampadaire.

    Celui-ci, très poli, ne m’a jamais interrompu.

    Je lui ai narré toute l’aventure des canards à trois pattes faisant du saut à l’élastique, puis celle du renard aveugle chantant la Traviatta comme personne, ensuite le récit du castor bicéphale qui ne savait jamais rien décider, et enfin, l’extraordinaire vie de Philomène, une casserole possédant le don de la parole.

    Qui n’a jamais discuté avec un ustensile de cuisine ne peut pas comprendre la souffrance endurée lors des échauffements successifs, des sauces oubliées sur les feux ou du nettoyage quotidien avec une éponge abrasive.

    J’en étais là, quand le lampadaire s’est allumé, coupant court notre discussion, car malgré lui, son ampoule grésillait.

    Je me fais du souci à son sujet et je crains qu’à la longue, cet état ne lui fasse perdre raison.

    Utrecht, après une balade nocturne et avec les pieds dans une bassine d’eau chaude

    note personnelle : le sumo, c’est comme la trottinette, faut pousser pour avancer

  • René Gori et les crinières du vent

    Peu de gens le savent, mais il est possible de se rendre en Mer du Nord directement depuis Utrecht en suivant le cours d’un canal très discret rejoignant le lac de l’Yssel et se faufilant entre les îles de la Frise pour déboucher sur la froidure des langueurs « océanes ».

    Certains matins, lorsque je suis en bonne forme, muni de mon canot rameur, je me lance à l’aventure, effraye quelques foulques, dérange les nichées de canards et admire la galopade à travers champs des poneys Exmoor, surnommés « les crinières du vent ».

    Mais aujourd’hui, alors que le ciel est serein, que la pression atmosphérique reste élevée et que le souffle de la brise est incapable d’éteindre la flamme d’une bougie, des remous chahutent mon canot amarré devant ma maison.

    Les creux sont si importants que je ne peux pas embarquer et m’étonne de cette situation extraordinaire.

    Depuis quand et par beau temps, les déferlantes se mêlent-elles de troubler la vie citadine d’une ville continentale ?

    Utrecht, le jour où dansèrent les vagues

  • René Gori et les sirènes d’aquarium

    Dans la bonne ville d’Utrecht, il y a des rues qu’il ne faut pas fréquenter, alors je n’y vais pas, et ne comptez pas sur moi pour vous en parler.

    Il est des choses que l’on ne raconte pas, et c’est comme ça.

    Toutefois, il y a des pavés luisants de pluie, des bornes qui accotent les quartiers dans le périmètre attribué, et des petites vitrines avec des rideaux rouges.

    À l’intérieur, les sirènes d’aquarium se prélassent sur des sofas de velours en dégustant du champagne au verre. Elles sont revêtues avec une fourrure d’un noir astronomique, et leurs sourires, même s’ils semblent contraints, s’éloignent sur un filet de lune.

    Certaines se croisent au petit matin dans l’atmosphère tiède d’une boulangerie qui vient d’ouvrir. Elles sont vêtues de plus, mais un froid les enrobe et la fatigue a défraichi la « pétillance » observée dans le bocal au soir d’avant.

    Elles paient et disparaissent rapidement.

    Utrecht, il y a des rues qu’il ne faut pas…

    note personnelle : un castor ne fait pas d’allumettes sans casser des œufs

  • René Gori et les traceuses de nacre

    La pluie est de retour avec les limaces, traceuses de nacre sur le goudron de nos villes.

    Devant cette météo maussade, derrière une fenêtre embuée et à côté d’un calorifère ronronnant, je ne peux que m’interroger sur la signification de la possession « du tout » revendiqué par ce gorille s’arrimant dans les âges sérieux.

    Ainsi sont peut-être les primates, habités par le désir de tout contrôler jusqu’à l’accaparement des biens, des territoires et des femelles ?

    L’homme est un primate, mauvais valseur dans les branches et orgueilleux ventriloque, mais le plus grand conquérant de la terre.

    A contrario, les baveuses sont d’apparences gluantes, sombres et médiocres, n’ont pas de place dans les dictionnaires culinaires, se faufilent sur les sols et demeurent les proies faciles de certains oiseaux, voire de renards affamés.

    Elles ont la fragilité des êtres à faible potentiel locomoteur, dont le champ de vision n’excède pas 1 mètre et 28 centimètres.

    Pourtant, les limaces, traceuses de nacre, se séparent de leur précieuse bave, tissent des réseaux de lumières changeantes et de reflets – miracle qui interroge sur le don de soi.

    Utrecht, au restaurant de La Poule farcie, en attendant ma fricassée d’escargots à l’ail

  • René Gori et la conception du « le tout »

    Il n’est pas facile de s’interroger sur les conditions de l’inexistence et de la ventriloquie du réel.

    Nous sommes tous des chats de Schrödinger (voir Wikipedia), locataires temporaires d’une boîte contenant les principes de sa finitude.

    Devant un tel obstacle, j’ai consulté un gecko « chapardeur- de-pensée », un animal qui se place à la verticale, s’insinue dans l’esprit du sujet choisi et capte les fulgurances essentielles circulant dans le cerveau examiné.

    Les résultats de l’examen réalisé par cet étonnant gecko révélèrent, que  de Denis D, tradeur à la banque Chronos et Vellos, laissait circuler les informations suivantes :

    29.995 0,84% 29,780 00.00 0.10256% 762451

    Point n’est besoin de dire que l’énigme Schrödinger n’est pas prête à être résolue, mais nous pouvons admettre que le rien serait contenu dans le tout, et que si le tout existe, alors le rien n’est pas le vide.

    Le tout serait simplement « le tout », et rien d’autre.

    Utrecht, en pédalant sur le verglas des idées philosophiques

    note personnelle : ça va pas être simple de trouver des plumes pour les mousquetaires

  • René Gori et le baobab de salon

    Ce matin, le bocal de ma grenouille météo était déserté par sa locataire. Au début, je ne suis pas inquiété outre mesure connaissant sa propension à l’aventure.

    Toutefois, vers onze heure, je l’ai appelé à plusieurs reprises sans obtenir de réponse.

    Edwige est demeurée silencieuse et j’ai vaqué à mes occupations quotidiennes telles que passer l’aspirateur et enlever délicatement la poussière qui s’accumule sur les feuilles du baobab. Je fais pousser un de ces arbres dans mon salon, car il paraît que cela protège du réchauffement climatique, mais il faut souligner que cela donne fort à faire.

    En me reculant pour admirer mon travail, j’ai posé le pied sur un truc gluant qui à fait un drôle de bruit de succion.

    Je n’avais jamais remarqué cette chose auparavant et je l’ai déposé dans la poubelle avant que cela n’imprègne le tapis.

    Toujours aucune nouvelle d’Edwige, mais je ne désespère pas.

    Utrecht, en attendant le bulletin météo du soir

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en de baobabboom

    Vanmorgen was de pot van mijn weerkikker verlaten door zijn huurder. Eerst was ik niet zo bezorgd, omdat ik zijn neiging tot avontuur kende.

    Maar rond elf uur belde ik haar verschillende keren zonder antwoord te krijgen.

    Edwige zweeg en ik ging verder met mijn dagelijkse bezigheden: stofzuigen en voorzichtig het stof verwijderen dat zich op de bladeren van de baobabboom ophoopt. Ik kweek zo’n boom in mijn woonkamer omdat ik hoor dat het beschermt tegen de opwarming van de aarde, maar het is veel werk.

    Toen ik achteruit stapte om mijn werk te bewonderen, stapte ik op iets slijmerigs dat een grappig zuigend geluid maakte.

    Ik had dit nooit eerder opgemerkt en heb het in de vuilnisbak gedaan voordat het tapijt doordrenkt raakte.

    Nog steeds geen woord van Edwige, maar ik geef het niet op.

    Utrecht, wachtend op het avondweerbericht

  • René Gori et le tintamarre de la grenouille barométrique

    Hier, je me suis levé d’un bon pied, j’ai ouvert la fenêtre, apprécié le petit soleil et la chaleur estivale.

    Pourtant, au loin dans les forêts entourant la mythique Utrecht, les feuillages étaient revêtus avec les parures de l’automne.

    Quelle bizarrerie, me suis-je écrié, puis je me suis dirigé vers le bocal de la grenouille météo afin de prendre connaissance des prévisions pour les jours à venir.

    Edwige est une employée consciencieuse qui prépare ses bulletins avec attention et ne se trompe jamais sur les effets des basses et des hautes pressions.

    Je l’ai retrouvée dépitée au fond du bocal, penchée sur un carnet rempli de notes et de formules mathématiques, se grattant la tête à l’aide de ses délicates pattes ventouses.

    Désespérée, elle m’informe que les pluies ne reviendraient pas avant la mi-décembre. Elle enduit son corps de crème solaire et s’installe sur son échelle avec ses lunettes de soleil.

    Elle ne tarde pas à s’endormir et à ronfler.

    Celui qui n’a jamais entendu les ronflements d’une grenouille barométrique ignore ce qui signifie habiter à côté d’un aéroport.

    Utrecht, en attendant le silence, les pluies et les frimas

    note personnelle : à propos de votre billet de la loterie Schrödinger, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle

    Originele Nederlandse versie

    René Gori en het geroezemoes van de barometrische kikker

    Gisteren stond ik met een goede start op, opende het raam, genoot van het zonnetje en de zomerhitte.

    Maar in de verte, in de bossen rond het mythische Utrecht, was het gebladerte gekleed in de pracht van de herfst.

    Wat vreemd, riep ik uit, en liep toen naar de weerkikkerpot om de voorspelling voor de komende dagen te lezen.

    Edwige is een gewetensvolle medewerkster die haar bulletins zorgvuldig voorbereidt en zich nooit vergist in de effecten van lage en hoge druk.

    Ik vond haar neerslachtig op de bodem van de pot, gebogen over een schrift vol notities en wiskundige formules, haar hoofd krabbend met haar tere zuignap-pootjes.

    Wanhopig vertelt ze me dat de regens pas half december zullen terugkeren. Ze smeert zonnebrandcrème op haar lichaam en gaat op haar ladder zitten met haar zonnebril op.

    Ze valt snel in slaap en snurkt.

    Wie nog nooit het gesnurk van een barometrische kikker heeft gehoord, weet niet wat het betekent om naast een vliegveld te wonen.

    Utrecht, wachten op stilte, regen en vorst

    persoonlijke noot: over je Schrödinger lot, heb ik goed en slecht nieuws

  • René Gori et les libellules tam-tam

    Ce matin, l’air est léger et je me demande pourquoi, certains jours, il est si lourd.

    L’air est l’air comme le silence est le silence, mais parfois aussi, le silence n’est pas vraiment du silence, alors ça fait du bruit. Face à l’incohérence des choses, la poésie est une explication inexplicable et seuls ceux qui ont la force de regarder au travers du réel, découvrent la valeur et le poids des âmes.

    Sur les champs, en été et à proximité des étangs, se baladent les libellules tam-tam, une sorte d’insectes ptérygotes dont le corps est constitué de particules transparentes et rendues invisibles selon l’orientation du soleil. Sans apercevoir ces libellules, on devine leur présence grâce au battement régulier des ailes produisant une musique proche de celle des tam-tams.

    Plus au Nord, dans les pays où la neige héberge les belettes et les renards au pelage d’argent, les gens affirment qu’il s’agit d’esprits issus des morts paisibles, ceux que la guerre a épargnés et dont la vie fut faite de bienveillance et de tendresse.

    Là-bas, on les appelle les demoiselles de brume.

    Utrecht, une respiration avant la folie des hommes

  • René Gori et la révélation de ses frasques ferroviaires

    René Gori et la révélation de ses frasques ferroviaires

    Après avoir découvert avec un vif intérêt les pensées intimes de nos deux protagonistes, ce gorille innocent et cette soigneuse lubrique, une introspection s’impose.

    Enfant, je me revois, admirant la vitrine de ce magasin de jouets où trônait dans la lumière d’une lampe à pied, la figure harmonieuse d’une locomotive à vapeur. Durant de longs mois, j’avais économisé sur mon argent de poche jusqu’à atteindre la somme suffisante à son achat.

    Joyeusement, je me suis présenté au marchand tenant fébrilement mes petits sous en main.

    L’objet de mes rêves avait été vendu l’heure précédente à un garçon bien mis, gilet de velours, chaussures de crocodiles, en bref, les habits de la fortune.

    Depuis cette déception, lorsque je ne suis pas aux commandes d’un train de marchandises, je vais la nuit le long des voies ferrées, dévissant les jointures des rails et espérant cette catastrophe notable qui vengerait mes désillusions.


    Événement qui arrangerait la rédaction du Gorilla Zeitung.

    Utrecht, devant le cabinet d’un psychiatre en renonçant, préférant les champs de marguerites.

  • René Gori et les accidents ferroviaires

    J’étais resté sur ma faim lors de l’épisode relatant le décor cérébral de notre gorille.

    À vrai dire, cela paraît peu crédible d’entrer dans la tête d’un individu, mais je dois admettre que les différents progrès de la physique quantique entretiennent le mirage des univers parallèles.

    J’affirme que l’occultisme dévoile plus de réalité que les processus techniques, aussi je vais partager une de mes expériences.

    En 1965, brève année de l’apparition d’une comète dont peu ont entendu parler, je me trouvais à l’est d’Utrecht aux commandes d’une locomotive électrique dernier modèle.

    Patientant dans l’habitacle devant un feu qui restait obstinément au rouge, je fis la connaissance d’une libellule charmante.

    Elle s’était introduite par la vitre coulissante et latérale, restée à demi ouverte, s’était posée sur ma main et se présenta.

    Je suis la danseuse vroum-vroum, dit-elle en vrillant son charmant minois.

    Vous le croirez ou non, mais depuis ce jour, chaque Noël, je reçois une carte postale représentant invariablement un étang au soleil couchant.

    Suivant les salutations d’usages et les vœux pour l’année nouvelle, la signature est immuable…

    Ginette, danseuse vroum-vroum

    À la lumière de ce qui précède, il est évident qu’il est possible de se promener en touriste à l’intérieur de la boîte crânienne d’un gorille.

    Il sera prudent d’être muni d’une ombrelle en espérant la fraîcheur d’une guinguette au bord du canal lacrymal.

    Utrecht, devant la KratzenKratzstrasse, en mangeant une tartine au miel

pour le plaisir et bien d’autres choses… / voor plezier en vele andere dingen…