8. derrière les clapotis, un Grand Cargo

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Ces dernières semaines, j’ai évoqué la jeune fille de l’étranger et le scintillement d’une étoile filante accompagnant le galop de sa fuite. Je m’étais penché sur la solitude du banc où une femme, entraperçue à quelques reprises, désormais ne vient plus. Je me suis agacé de la monotonie des canards traversant les clapotis et exprimé un désir de voyage, un pétillement sous mes semelles donnant l’impression de chevaucher un véloce Escalator.

Gustave, mon samovar, sait lire plusieurs langues, principalement le turc. Une faculté rare et extraordinaire pour une « fontaine à thé ». Après la lecture de ma collection du Monde diplomatique, voilà qu’il s’attaque à la philosophie et s’interroge sur la banalité de la bureaucratie. De surcroit, il entretient une relation épistolaire avec un lampadaire et me presse d’en faire connaissance.

Mais je ne souhaite pas m’exposer à la lumière de ce mobilier urbain dont les éclats, parait-il, rendent fou.

Un homme équilibré reste calfeutré à la maison avec la magie des scarabées extensibles, des giraffas camelopardalis, des amours des demoiselles Wok avec le Prince birman et les nombreuses aventures sommeillant dans mes classeurs.

Certains esprits rabat-joie considèrent qu’à Utrecht, il n’y a pas de poêles ventriloques, de grand-mères reprisant tous les malheurs de la terre, de gypaètes anxiogènes, de brocanteurs aux entrepôts infinis, de samovar érudit laissant les brumes de Londres s’échapper des tasses de thé.

À ces incrédules doutant de la réalité, je les invite à passer une soirée avec Gustave et moi. Ils verront par eux-mêmes. Le monde est plein de surprises, les histoires décrivent la vie mieux que la vie elle-même. Avec mon samovar, nous vous attendons dans une toute petite salle de théâtre qui a l’orgueil de se nommer : Le Grand Cargo.

dernière parution : Éd. Épuisées (1970) : Traité sur les pensées égarées, selon Aristote (épuisé)

réédition les éditions épuisées collection des 4e de couverture (2024)