René Gori et la danse de la girafe

Le banc donnant sur la rive d’en face est le promontoire d’une déception renouvelée, car je reste seul avec le nez sur les nénuphars qui dérivent au fil du courant.

Refusant de me désagréger, je me réfugie dans la nostalgie des souvenirs, et ceux-ci, éveillant des joies enfantines, redonnent de la cohérence à ma vie.

J’étais jeune et n’avais pas encore de casquette de contrôleur. Je portais une culotte courte avec trois boutons sur la braguette, toujours difficiles à défaire dans les moments pressants.

Depuis quarante jours, il ne pleuvait plus, une sécheresse rare.

Ma grand-mère, une femme lourdaude vêtue de gris, un visage avec des oreilles plaquées comme les branchies d’une truite, vint me prendre pour me mener au zoo.

Elle tenait un petit électrophone à piles et le disque d’Elvis Presley : Love me tender.

L’entrée des adultes coûtait trois francs, ce qui n’était pas une somme négligeable à l’époque, mais pour moi, vu mon âge, c’était gratuit.

Elle m’entraîna directement vers l’enclos des girafes, me déposa sur le rebord d’un talus et me souffla en souriant qu’elle allait m’apprendre la seule manière de faire revenir la pluie.

Une girafe curieuse nous regardait, grand-mère plaça le disque sur l’appareil et l’enclencha en ajustant le volume au plus fort.

Sur la musique, l’animal esquissa des pas de danse, puis cédant à la folie, cela devint une bacchanale d’une élégance rare.

Le morceau n’était pas terminé qu’il pleuvait déjà à gros bouillons.

Pour les temps à venir, il me semble nécessaire d’adopter une girafe et de me munir de l’intégrale d’Elvis, on ne sait jamais, je pourrais en avoir besoin, mais je devrai changer l’aiguille de mon tourne-disque et rehausser la barrière de mon jardin.

Utrecht, devant la porte close du zoo

l’été se débine, les girafes patinent

Originele Nederlandse versie

René Gori en de giraffedans

De bank aan de overkant is het voorgeborchte van een nieuwe teleurstelling, want ik blijf alleen achter met mijn neus op de waterlelies die met de stroom meedrijven.

Weigerend om uiteen te vallen, neem ik mijn toevlucht tot de nostalgie van de herinneringen, en deze, kinderlijke vreugden wakker makend, geven mijn leven weer samenhang.

Ik was jong en had nog geen controleurspet. Ik droeg een korte broek met drie knopen op de gulp, altijd moeilijk los te maken in dringende momenten.

Het had al veertig dagen niet geregend, een zeldzame droogte.

Mijn grootmoeder, een zware vrouw in het grijs gekleed, haar gezicht met afgeplatte oren als de kieuwen van een forel, kwam me naar de dierentuin brengen.

Ze had een kleine platenspeler op batterijen en Love me tender van Elvis Presley bij zich.

De toegang voor volwassenen was drie frank, wat in die tijd geen klein bedrag was, maar voor mij, die nog jong was, was het gratis.

Ze nam me meteen mee naar het giraffenverblijf, zette me neer op de rand van een bank en glimlachte terwijl ze me vertelde dat ze me de enige manier ging leren om het weer te laten regenen.

Een nieuwsgierige giraffe keek naar ons, dus zette oma de plaat op het apparaat en zette het volume harder.

Op de muziek deed het dier enkele danspasjes, en toen gaf het toe aan de waanzin, het werd een bacchanaal van zeldzame elegantie.

Het stuk was nog niet afgelopen toen het al hevig regende.

Voor de komende tijd lijkt het me noodzakelijk een giraffe te adopteren en de Elvis-set mee te nemen, je weet maar nooit, misschien heb ik hem nodig, maar dan moet ik wel de naald van mijn platenspeler verwisselen en het hek in mijn tuin verhogen.

Utrecht, voor de gesloten deur van de dierentuin

de zomer is voorbij, de giraffen zijn aan het schaatsen

pour le plaisir et bien d’autres choses… / voor plezier en vele andere dingen…

1 commentaire

  1. Monsieur Gori,
    je ne connaissais pas le coup de la girafe… Voilà qui m’intéresse au plus haut point, sans jeu de mot facile. Mais il n’est pas toujours facile de soigner une girafe sous nos climats peu propices à la pousse aux baobabs. Je vous signale, si vraiment vous tenez à vous prémunir d’une longue sécheresse, que j’ai vécu, il y a quelques années, au même miracle avec un beagle à très longues oreilles. Dès que cette brave bête se baladait avec sa maîtresse, il se mettait à pleuvoir. C’est toujours le cas, mais l’animal se fait vieux. Et trouver un beagle à si longues oreilles n’est pas si évident. Voilà qui vous faciliterait la vie, parce que réhausser votre barrière jusqu’au cou de la girafe vous coûtera très cher. Croyez bien Monsieur Gori à mon aimable salutation depuis le pays des nains de jardin.

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