victoires

victoires dérisoires

Des lassos
En l’air
Nous attendent
Des nœuds coulants invisibles
Se serrent autour des cous
Les fouets s’abattent
Sur les fesses

AZ

« Nous sommes tous des juifs allemands ! ». À l’heure qu’il est ce slogan de mai soixante-huit sonne faux. Il en a pourtant cassé, des préjudices ; mais le temps l’a pris à son propre piège. « Ouvriers, étudiants, même combat ! » … Tu parles !

Les idéaux semblent d’autant plus beaux qu’une distance nous en sépare. Le mur, nous le ferons tomber : « Interdit d’interdire ! ». Et en attendant, « Faisons l’amour, pas la guerre ! ».

Récupération anticipée… Le monde, le beau monde, juché sur son échafaudage de prédations économiques, ne bronche pas ; il avale, il digère. Omnivore, tout lui est bon pour chier ces pellicules d’or que lèchent les vulgaires. Et les missiles ne cessent de pleuvoir sur les sans-abris.

Le village global, devenu ville tentaculaire, étouffe la planète. Les oiseaux tombent du ciel, les poissons se plastifient avant de disparaître, le bétail est enfermé dans des camps de concentration, la végétation est « pesticidée » et les forêts « torchées » et décimées. La glace fond, l’eau monte et les déserts brûlent la chair humaine.

Mais la fête continue, dans un vacarme de sons amplifiés : il faut bouger, se trémousser, se frotter les unes et les uns, aux autres. Courir d’un coin à un autre des cinq continents, jouir de se retrouver là où tout le monde se vante d’être allé. Péter, toujours plus haut que son cul, mille fois autant de méthane que des centaines de milliers de vaches en route pour les abattoirs.

Les vaisseaux d’antan, poussés par les vents, sont désormais remplacés par des monstres charriant les objets de nos désirs, déversant des tonnes d’excréments visqueux dans nos océans, au risque de séparer à jamais les eaux.

Au ciel, les oiseaux mécaniques fusent à travers les microparticules pour mieux perforer les couches d’ozone protecteur. L’être humain, lui, ne sait plus voler ; il s’attache à ces sièges qui s’arrachent, pour atterrir à chaque fois dans le même.

« A small step for a man, a giant leap for humanity » Souhaitons à ces lâches rapaces qui se vantent de pouvoir aller se faire foutre en fusée, de se perdre dans l’espace sans laisser la moindre trace. Qu’ils ne viennent pas nous dire que de l’autre côté des écrans, dans l’au-delà, la vie est belle !

Avec dix-neuf mille trois cent vingt-cinq morts à son seul crédit, Mitch a déjà battu tous les records. Wilma a frôlé les trois cents kilomètres à l’heure. Katrina, avec cent trente-huit milliards de dégâts, a dépassé les quatre-vingts milliards de Sandy.

La compétition bat son plein sous les applaudissements de la foule. Tape mieux que n’importe qui d’autre sur cette petite balle avec ta raquette et tu te retrouveras au sommet de la pyramide. La cratie n’a plus rien à voir avec le mérite, elle se révèle pour ce qu’elle est : la crasse de l’humanité.

Que de victoires à la Pyrrhus ; l’excès de biens n’engendre que des maux. Mettre tous nos œufs dans ces paniers de croissance les condamne à pourrir, et nous avec. Il vaut encore mieux les laisser sur la paille, et nous avec.

Le temps de laisser se dissiper les mirages ; toutes ces images qui se fragmentent, devant nos yeux, en particules impotentes. Plus rien à voir ; même les vraies icônes se meurent faute d’être contemplées. Les rêves n’ont plus de quoi se nourrir.

Pour contenir un virus, il suffit d’enfermer toute une population. Pour contenir la liberté, il suffit de la piéger dans des réseaux d’algorithmes. À tout problème, une solution scientifique. La logique est implacable, elle a déraison de tout. Les coûts de l’addition se font exponentiels. Ainsi disséquée, la vie en est réduite à la soustraction de ses parts… Toutes séparées, catégoriquement.

Une grande partie de ce que l’on appelait, avec condescendance, le tiers-monde émerge lentement de l’abjecte pauvreté de l’époque coloniale. Une victoire non négligeable. Pour en arriver à quoi ? En Asie, les humains sont de plus en plus traités comme du bétail dans une entreprise d’élevage intensif. Heure après heure, jour après jour, les petites mains alignées derrière des rangées et des rangées d’établis sont condamnées à répéter les mêmes gestes, jusqu’à l’épuisement. Dans les pays dits industrialisés, de nouvelles formes d’esclavages émergent ; pour les employés de compagnies telles qu’Amazon, le temps d’uriner ou d’avaler une dose de malbouffe, est minuté. Tandis que dans de vastes zones d’Afrique la famine dévastatrice cohabite avec le pillage systématique, quitte à utiliser d’innocentes mains d’enfants pour gratter la terre, de toute ressource naturelle.

Un peu partout sur la planète, de nouvelles richesses sont créées. Créées, vraiment ? Plutôt extraites de force, à la sueur du front de celles et ceux qu’un système néo-colonialiste prive de liberté dès l’enfance. Le tout avec une violence aveugle qui se refuse d’admettre la dimension mortifère pour toutes espèces confondues, de telles entreprises. Seul compte le profit, qui aboutit toujours sur les mêmes comptes, offshore, à l’abri des institutions de partage.

La société célèbre, à travers une profusion de couverture médiatique, l’émergence d’une nouvelle classe de super-riches. Un véritable bombardement publicitaire nous incite à admirer et à envier les modes de vie obscènes et vulgaires de ces nouveaux incultes.

Les nouvelles technologies de communication, développées par des obsédés de microchips dépourvus d’intelligence humaine, ont envahi nos vies sous prétexte d’encourager les échanges et la liberté d’expression. Nous aurions souhaité croire à l’espoir d’un printemps arabe ou autre. Quand serons-nous assez lucides pour réaliser que nous en sommes réduits au statut de moucherons, pris dans cette toile d’araignée.

La mort ne sera jamais vaincue, mais cessons de lui fournir nos armes technologiques. Cessons de lui vouer un culte à travers notre vanité. C’est à mains nues, en nous serrant les coudes, en caressant toutes les manifestations de la vie, que nous déjouerons, dans un dialogue à durée indéterminée, les pièges tendus par celles et ceux dont l’existence repose sur la mort des autres.

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