avant-propos

défaites

Réussir ou s’accomplir ?

Dans notre condition d’humain moderne, l’injonction est sans équivoque – réussir.

De l’école aux jeux olympiques, pour les loups de la finance, les capitaines d’industrie, les politiciens, les artistes ou les lanceurs de marteaux, pour toutes et tous convoitant la reconnaissance, une seule manière d’exister – vaincre.

Sinon mourir, disparaître, devenir petites mains que seule une pandémie fait ressortir de l’ombre, brièvement, le temps d’un éclat passager, le temps de remplir les frigos et amortir les angoisses de la classe du dessus.

L’invisible devenu indispensable le temps d’un battement de cil, d’un applaudissement, puis disparaître dans l’inutilité des déclarés « assisté.es », s’excuser de cette insolence à réclamer autre chose que des cajoleries de dames patronnesses, s’excuser, parce que c’est mal élevé, trop gilet jaune, trop irréaliste.

Alors, faire silence et revenir dans les clapiers à habiter, à engrosser et à fournir une nouvelle vague de petites mains, les locataires du frigidaire scolaire, les perdus de l’agence pour l’emploi, les chanceux d’être promus autoentrepreneur, les joyeux consommateurs de la succulence produite par les usines alimentaires, les dévoreurs de la « gerbure » hollywoodienne et s’endormir sur le contentement soporifique de Netflix.

Puis, le lendemain, brinquebalés dans le métro, sur l’autoroute, dans la vie, rêver d’une place au soleil, d’être soi-même un conquérant, d’écraser le destin et les autres, alors de son promontoire, s’imaginer sénateur ou prix Nobel, et, les pieds dans ses pantoufles, ignorer ces petites mains qui font tourner le monde.

Est-ce ainsi que les hommes triomphent ?

Et s’il n’était pas trop tard pour les démissions et les défaites ?

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