déçus et déception
Les résultats sont connus, du moins confidentiellement, les heureux élus désignés comme participants à la capitale culturelle ont été informés récemment, les malheureux non-élus aussi.
Quand les choix sélectifs sont annoncés, se joue régulièrement une petite musique, différente selon les étages, mais immuable dans la verticalité et la valorisation des mérites.
Vu depuis le balcon des « prescripteurs », les réactions négatives exprimées par les non sélectionnés sont cantonnées, avec plus ou moins d’empathie, dans le registre des sentiments – il ne s’agit que de déçus dont la déception est compréhensible.
Quand le pouvoir est malin, il a prévu et distribue des prix de consolation, faisant taire les plus rétifs, mais quand ce pouvoir est sûr de sa force, il ne s’embarrasse même pas de tels expédients.
Ce réflex habituel, par la bourgeoisie culturelle dominante, caractérise les avis divergents en le cantonnant dans l’espace vulgaire des émotions.
Les cercles de l’Olympe ne tiennent pas compte des enjeux réels pesant sur les gens vivants au-dessous des nuages ou de la brume, parce que les divinités veulent garantir la qualité de leur banquet, que la fête ne soit pas perturbée par des saltimbanques rapiécés et que soient servis les meilleurs vins et les meilleurs spectacles.
L’excellence une chose qui se mérite.
Les divinités, se conformant à la langue facile des faux-fuyants ou l’usage de la silenciation, n’abordent pas la gravité des situations, déclarent que tout va pour le mieux et que l’engouement est palpable – un petit air de Pravda.
Peut-être parce que dans les strates où ils gravitent, la raison est innée et verticale, arrose de ses bienfaits les populations du dessous avec lesquelles, a minima, on est contraint, parfois, à faire usage de pédagogie ?
Peut-être aussi, avec la légère et habituelle espérance que les blessures se réparent d’elles-mêmes ?
la culture n’est pas qu’une suite d’événements
Si la capitale culturelle n’était qu’une petite affaire d’événements et de répartition des moyens, alors il n’y aurait pas problèmes, une gouvernance médiocre suffirait.
Mais la culture est autre chose, plus importante, autrement dit, une part non négligeable de ce que nous sommes.
Contrairement à ce que semble croire le bataillon des experts, les réactions ne s’ancrent pas dans la superficialité des émotions, mais dans une pensée existentielle.
Nombre d’acteurs culturels sont établis sur la montagne comme s’accroche la vie aux difficultés des géographies abruptes, de l’éternelle précarité des subventions, de l’indifférence médiatique et de la constante condescendance affichée par les habitants des territoires mieux lotis.
Cet environnement hostile forme les caractères et renforce les identités.
Les gens qui vivent sur la montagne n’hésitent pas à être rugueux, parce que la vie, là-haut, est rugueuse par nature.
Aussi, quand s’annonce le projet de capitale culturelle, le rapport s’intitule « faire Chaux-de-Fonds » comme une flatterie destinée à séduire ces caractères indociles, le tout agrémenté dans ce document, et les suivants, de nombreuses promesses où serait mise en valeur l’identité des indigènes.
Un enthousiasme poli accueille ses propositions et, petit à petit, quelques-uns espèrent, que pour une fois, ils pourront s’habiller de meilleurs vêtements, qu’ils, jouiront brièvement d’une reconnaissance permettant à leur travail d’exister, non pas de briller, juste d’exister.
En fait, révéler l’identité culturelle qui est la leur, mais la machine, aveugle, est impitoyable.
vie et mort de la machine
D’abord, elle se mure dans le silence des secrets, désigne les interlocuteurs choisis, tue le temps jusqu’à le faire disparaître et rendre les retours en arrière impossibles.
Elle s’approprie les moyens publics, les privatise et détermine les critères qui permettraient aux artistes locaux d’y accéder – la domestication de l’art.
La machine assoit son pouvoir, sans contrôle démocratique, parce que les parlements, ayant voté les crédits sur les promesses, ne peuvent plus se dédire sans entériner l’évidence d’une catastrophe – d’un choix trop légèrement décidé.
Qui dans les exécutifs ou parlements, à ce jour, disposerait du courage ou de la force nécessaire pour arrêter la machine ?
Ne fusse qu’envisager un report de l’événement, de changer la structure de gouvernance du comité de lcdf27 et d’établir un nouveau contrat de coconstruction en prenant en compte la part oubliée de l’indigénat local.
Alors, c’est peut-être aux citoyens de prendre leurs responsabilités et de refuser le feu d’artifice, car s’il est plaisant d’avoir, pour une fois, des spectacles comme dans les grandes capitales, il faut se souvenir, qu’invariablement, les étincelles sitôt éteintes, retombent la fumée et les cendres.
ici, ce n’est pas les vacances de monsieur Degas

les hypothèses publiées
- les hypothèses
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le plan des hypothèses à venir
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