1. les origines

le laboratoire du Grand Gazomètre 

ces pages permettent d’expérimenter des écritures sous forme d’ébauches.

Parfois, l’expérience abouti à une réécriture destinée à la publication.

Après une période de laboratoire, les séquences ont été retravaillées – ici ne demeure que le prologue avec l’espérance que la totalité sera prochainement publiée.


prologue – les origines

Les légendes sont des filaments dorés qui parcourent le ciel de la mémoire oubliée, voltigent et tissent de nouvelles réalités, laissant croire que rien ne disparaît, que tout était prévu.

Dans le pub, The Old Oak, établissement de la cité de Dundee, ville de la circonscription administrative du Tayside en Écosse, il a été raconté aux habitués et aux visiteurs durant plusieurs siècles, que le roi Duncan, lâchement assassiné par Macbeth, habitait le corps et l’esprit d’un citoyen vertueux, toujours et éternellement vivant.

Que les Nornes, les trois sorcières narrées par Williams Shakespeare, obéiraient et agiraient à la demande de cet honnête homme si à nouveau l’Angleterre tombait sous la coupe d’un être malfaisant et qu’il s’avérait nécessaire de s’en débarrasser.

Le récit ne précisait rien au sujet de l’action des magiciennes ni des moyens engagés afin de purifier la divine Albion, mais il était entendu que les trois enchanteresses se montreraient impitoyables et patientes.

En mai 1979, juste après l’élection de la nouvelle Première ministre du Royaume, « Creepy Prickly Maggie », cette magique histoire ne fut plus jamais évoquée et nul ne se souvint qu’elle eut existé un jour.

À cette même période, un petit marchand bossu tenant une brocante à la rue des Cigognes – Storks Street – quitta son magasin pour ne jamais y revenir.

Sitôt l’obscurité tombée, ce boutiquier, gilet constellé d’éclats d’argent, coupe bien mise, chaussures ferrées, lacets double nœud, lunettes demi-cercle reposant sur son nez, affable et entretenant une collection de samovars, s’était rendu sur la lande. Il avait abandonné la garde des lieux au petit singe empaillé, costume de fanfare rouge à boutons dorés, trônant sur le comptoir. Un animal, paraît-il, mort de la grippe espagnole.

Trois ans après l’étrange et irrévocable disparition du brocanteur, les fournitures de « Duncan’s brocant » furent vendues et dispersées. Le petit singe, paraît-il, fut livré à Utrecht dans un magasin ressemblant en tout point à celui de « Storks street » et logé à la « Sigarenstraat ».

À ce jour, nous ne savons pas ce que sont devenus les samovars.

Les rumeurs sont des étirements de brume qui se déposent sur les branches des arbres. Quand l’air glacial du Nord se déverse sur l’Écosse, cette humidité cristallise et plante un décor de givre à la blancheur éphémère. Durant la brève suspension du temps précédant le réchauffement, il devient possible de distinguer la forme des ragots et de découvrir le sens des récits.

Certes, le temps a manqué à l’observateur qui découvrit ce miracle, toutefois de grandes lignes ont pu être tracées et l’existence, les codes et les usages d’une société secrète furent révélés.

Grâce à un manuscrit émaillé d’énigmes, tracé rapidement au crayon, quelques éléments compréhensibles nous sont parvenus. Ils sont épars et il n’a pas été facile de les assembler afin de leur donner une cohérence.

D’abord, il est annoncé la venue d’un grand danger menaçant le pays et se répandant par delà les frontières jusqu’à infecter le monde entier. Une femme et un être médiocre s’uniraient afin de bousculer l’histoire et établir des trônes d’argents, de l’indifférence entre les gens et transformer toutes choses en produit commercial.

Face à ces monstres, les trois Nornes, toutes aussi puissantes qu’elles soient, ne pourraient jamais rétablir la justice, la solidarité et la tendresse, mais comme le disait un député français d’avant la Grande Guerre, il y a des combats qui ne se gagnent jamais, ils se mènent.

Avec courage, elles recrutèrent de nombreuses disciples sur l’ensemble des continents. Pour cette tâche, elles étaient secondées par Monsieur Duncan, un homme affable, précis et bossu sachant parfaitement gérer les horaires de l’aviation, de la marine et des sociétés d’autocars.

Elles initièrent de nombreuses filles à la danse, à la discrétion, à la séduction, à la magie et à l’art du crime.

Dès le commencement des choses sérieuses, il est apparu que la lutte serait interminable et que la justice demeurerait à jamais cantonnée sur les limites de l’ombre.

Gaillardement, les recrues infiltrèrent toutes les villes sur terre en s’installant dans les cabarets, cet endroit, où il est toujours habituel et normal de trouver une danseuse légère.

Monsieur Duncan, qui veillait à la bonne tenue administrative, créa la Compagnie des Danseuses Vroum-Vroum dont les activités légales et illégales se répandirent comme l’inondation remonte d’une terre gorgée d’eau.

Avant que tous les détails puissent être relevés, le soleil et la chaleur caressèrent la cime des arbres, la surface glacée du manuscrit naturel s’écailla et le reste du récit fut perdu.

Peut-être un jour, en Écosse, si le lecteur s’égare dans les rues de Dundee, qu’une météo capricieuse mélange le froid avec le chaud, peut-être qu’il sera possible de déchiffrer à nouveau quelques épisodes de la chronique de la danseuse Vroum-vroum.

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